mes mécomptes. — Je désirerais, lui repartis-je, que
vous ne fussiez pas trompé dans votre attente ; mais
le pays des Francs est loin d’ic i, et il m’a fallu semer
mon bien tout le long de la route pour arriver jusqu’à
vous; aussi je crains bien que le cadeau que je vous
destine ne vous paraisse peu digne d’un chef tel que
vous. » Mon hôte se le tint pour dit, et fit mine de se
retirer, sans ajouter un mot : je donnai alors à sa
femme quelques verroteries dont elle parut enchantée.
Le lendemain, je montai de grand matin sur le sommet
du Mosobo, d’où l’on domine toute la contrée.
Je remarquai d’abord le lac Achangui, sur lequel planaient
une nuée d’oiseaux. Il est entouré 'de tous côtés
de montagnes qui paraissent avoir été bouleversées
par les soulèvements ; dans quelques-unes, les couches
sont perpendiculaires, et, à côté d’elles, on en voit d’horizontales
: tout annonce que ce lac est le résultat
d ’un affaissement volcanique. Son étendue a été fort
exagérée jusqu’ici sur les cartes. A l’e st, et derrière
les collines qui le bordent, on voit le plateau éthiopien
se terminer brusquement par une pente rapide
qui mène à la plaine Azébo Galla, prenant ici le nom
de Raya Galla ; à l’ouest ce sont les montagnes du
Lasta, et au sud le district de Ouofela.
Ato Kaderou s ’étant offert à nous servir de guide jusqu’au
Ouofela, nous nous mîmes aussitôt en route. Pour
descendre d’Assakalti dans la petite plaine qui précède
le lac, on s’abaisse de 250 mètres, et le niveau absolu
du lac est de 2 600 mètres. Sur toutes les collines environnantes
sont bâtis des hameaux et des villages. En général,
la richesse et l’abondance paraissent régner ici
comme à Mehhane ; mais le climat n’y est pas aussi sain,
à cause du voisinage du la c , dont les vapeurs causent,
à certaines époques, des fièvres pernicieuses.
Nous marchâmes pendant une heure environ dans la
plaine; au bord du lac, Je chemin est un sentier boisé
appelé Dourguerare. Au sortir de ce sentier, nous entrâmes
dans une prairie coupée brusquement par des
collines élevées, où les couches de sédiment ont été soulevées
à plusieurs époques et présentent diverses inclinaisons.
Nous tournâmes alors à l’est, en passant par
une ouverture laissée entre les colline s, et nous vînmes
dans un autre bassin, celui du petit Achangui : c’est là
que commence le district du Ouofela. Nous marchâmes
encore trois à quatre cents pas au su d , et nous fûmes
au village d’Addi Golo, où était campé le docteur P etit.
Ce village était entouré de palissades, et aussitôt que
nous eûmes franchi'la porte d’entrée, il nous fallut
barboter dans un sentier étroit rempli de fange, où
quelques pierres pouvaient servir de chaussée, mais aux
habitants seulement, beaucoup plus habitués que nous
à ce genre de gymnastique. Comme je me défiais de
mon adresse, et que je n’aurais pas voulu servir de
risée à ces paysans, je me mis sur le dos d’un de mes
domestiques, et je fis ainsi mon entrée dans la maison
où trônait mon compagnon de voyage, entre plusieurs
paquets de plantes, dont j’évitai soigneusement le
contact, pour ne pas troubler la cordialité et la bonne
humeur de notre rencontre.