talo : disposition d’esprit qui, dans toute circonstance,
le porterait à venir en aide au plus fort de ses deux ennemis
pour accabler le plus faible. Les véritables intentions
d’Ato Rema étaient moins équivoques, car ce chef
devait tout à Oubié et n’avait jamais eu qu’à se louer de
lui. Mais la valeur n’était certes pas laqualité par laquelle
il brillait, et il se trouvait assez mal à 1 aise entre Aréa
et Abba Haïlé, qui, en s’unissant, pouvaient avoir encore
meilleur marché de lui, que lui-même et Aréa n’en
avaient jadis eu d’Abba Haïlé. Aréa faisait néanmoins
les plus grands efforts pour se l’attacher définitivement,
surtout en considération de ce que valait sa province.
Toutefois, il existait entre ces deux chefs une cause de
mésintelligence qui est trop particulière pour que nous
ne la disions pas. Lors de leur alliance, Aréa, ainsi
que nous l’avons d i t , fit épouser à Ato Rema sa
mère, divorcée d’avec Dedjaz Demtou 5 mais depuis,
ce jeune chef ayant vu grandir démesurément sa fortune,
obligea l ’oizoro Tabotou à quitter Ato Rema pour
revenir avec son premier époux : c’est ce qui détruisit
à tout jamais le bon accord des deux alliés. Ato R ema-
tenait beaucoup à l’oizoro Tabotou; non pas que cette
dame fût jeûne ni belle, mais elle n’avait pas son égalé
dans l’art de la cuisine, et nul homme n’était plus
gourmet qu'Ato Rema. Donc, à toutes les avances
d’Aréa, il répondait en réclamant l’oizoro Tabotou,
et n’ayant pu l’obtenir, il était devenu, dans le fond
de son âm e , l’ennemi acharné de la mère et du fils.
Nous étions arrivés au mois d’octobre; les pluies
avaient cessé, et Aréa allait s’en retourner dans l’Enderta
avec son armée, laissant le Nebrid et la sienne
à la garde des provinces qui lui étaient dévolues. A
cette époque, je reçus une lettre de mes collègues,
m’exprimant le vif désir que mes occupations me permissent
d’aller les rejoindre : le climat pluvieux du
Ouodgérate les incommodait fo r t, et il leur tardait de
voir finir notre exploration, pour prendre le chemin de
la France. Le docteur m’annonçait qu’il avait fait une
excursion dans le pays Azébo Galla, sans m’en donner
d’ailleurs aucun détail, et qu’il avait p r is , sur la
route du Choa, des renseignements d’après lesquels
on pouvait croire que ce voyage ne serait ni long, ni
dangereux, ni surtout dispendieux, ce qui était le point
capital. Le départ de Balgada Aréa m’offrait encore une
occasion favorable de me rendre au désir de mes amis,
et je me disposai à partir de nouveau avec l’armée.
Yoici comment les choses furent arrêtées entre Aréa et
le Nebrid. Si Oubié, comme on le supposait, traversait
le Taccazé à Aberguellé, le Nebrid viendrait en toute
hâte rejoindre son allié pour combattre le chef du So-
miène; s i, au contraire, ce dernier cherchait le gué
de Débra Abbaye, c’est alors Aréa qui devait se replier
sur le Tigré.
Ce fut le 9 octobre que l’armée se mit en marche.
Elle était considérablement réduite, tant par le passage
à l’ennemi de soldats amaréens, qui, dans l’origine,
s’étaient joints à elle dans le seul but d’avoir des vivres
pendant l’hiver, que par la mutation volontaire
de ceux du Tigré qui préférèrent rester avec le
Nebrid. Cette armée présentait en outre une notable