23h VOYAGE
Ri
sous-ordre, ainsi que les aides qui conduisaient les
mules chargées des cornes à hydromel et à bière, s ’en
tenaient eux-mêmes à une distance assez éloignée.
Une troisième brigade était celle des gombohenias,
ou femmes portant les pots à eau et ceux dans lesquels
on prépare l'hydromel. Celles-ci étaient à pied et suivaient
au pas de course; leur alignement était maintenu
par un gardien eunuque qui les excitait parfois
avec sa cravache. C’est assez dire qu’on a peu d’égards
pour ce corps, qualifié de section des bourriques,
parce qu’il est déshonorant pour le maître de jeter un
regard de faveur sur une gombohenia.
Je ne parlerai pas de quelques autres brigades organisées,
telles que celles des porte-tentes et des pane-
tiers : les objets confiés à leur garde n’avaient rien à
redouter d’un peu de p resse, et les porteurs étant des
esclaves mâ les, on ne faisait guère attention à l’ordre
de leur marche ; l’important était qu’ils arrivassent à
temps lors de la halte, chose à laquelle le bâton pourvoyait
toujours.
Aussitôt que le roi eut atteint la tête de l’armée, le
pas devint très-rapide, et les piétons furent obligés de
courir pour nous suivre. A dix heures trente minutes,
nous traversâmes la rivière Tchatcha, dans un endroit
où ses bords s’élèvent seulement de quelques pieds de
chaque côté. Nous gravîmes quelques collines avant
d’arriver dans les prairies de Dalota, dont le village
se distingue par un bouquet d’arbres. En général le
pays que nous parcourions était dépourvu de b o is, le
terrain cultivé, ou occupé par de belles prairies, dont
l’herbe était dure et courte comme toute celle des hauts
plateaux. La population est ici moins nombreuse que
sur le plateau de Choa Meda, ce qui tient peut-être aux
trop nombreuses visites des armées du roi; car c’est
surtout vers leGouraguié et l’Ennaréa que se portent ses
vues d’agrandissement.
Bientôt nous vîmes se dérouler à nos yeux une grande
partie des pays gallas. Le plateau allait en s’abaissant
vers la droite, et laissait à découvert les deux chaînes de
Garagorfou et Selalé Moguer ; on apercevait en face les
couronnements de Tehollé.
Nous descendîmes quelques collines pour entrer
dans la plaine de Kao, dont nous traversâmes le ruisseau,
et après avoir longé une prairie, nous vînmes camper
près de la source de Fintchoa, qui court vers l’ouest
et va se réunir à la Djeumma, au-dessous du plateau
de Choa Méda. On planta d’abord la tente du roi, autour
de laquelle vinrent se grouper celles de sa maison,
et le tout fut entouré d’une enceinte de toile, maintenue
par des épieux. Cela fait, chacun campa où il voulut
, et fixa son choix d’après la qualité de l’herbe ;
car c’est en broutant dans le cercle développé par son
licou, que le cheval et la mule devaient se refaire de la
fatigue d’une route de huit lieues.
A peine ma tente fut-elle établie, après quelques petites
disputes entre mes gens et les voisins touchant
la longueur à donner au licou des animaux, que les
nuages amoncelés sur Angolola depuis midi, arrivèrent
jusqu’à nous et nous lâchèrent des torrents. Grâce à la
tente de laine que m’avait prêtée le roi, je ne reçus pas