où les échanges se faisaient activement; ils troquaient
contre des aiguilles et des colliers, du lait, de
la bière et du pain. Revenus un peu de leur mauvais
vouloir de la veille, les hommes semblaient honteux
de nous avoir laissés dormir à la belle étoile. En
restant un jour de plus dans cet endroit, peut-être y
eussions-nous été très-bien traités; mais nous ne fûmes
pas tentés d’en faire l’expérience. Nous partîmes
donc marchant au sud-demi-est.
Nous traversâmes la plaine de Robi, puis, montant
sur le mamelon de Sekala, nous aperçûmes le passage
des eaux de Mersa, entre les collines de Gafra et celles
de Chorié. Celles-ci bordent à l’est la vallée Yedjou,
et sont habitées par des tribus gallas. A nos pieds était
le pays plat de Djerana. Il y avait peu de temps que
nous avions quitté Sekala, lorsqu’une des femmes de notre
suite, dont le service était de moudre le grain, eut
une dispute avec un de nos gens, qui lui cassa le bras.
Cet accident nous força de nous arrêter dans la plaine de
Zétetcherque, pour remettre le bras cassé et procéder
au jugement du coupable. La cause de la querelle
était une rivalité d’amour. Nous jugeâmes que le meilleur
parti à prendre était d’organiser sur-le-champ un
petit tribunal, dont nous donnâmes la présidence à
nos deux guides du Choa, ce qui les flatta infiniment. Ils
firent à ce sujet dès discours que n’aurait pas désavoués
un avocat général. Après une longue admonestation
au coupable, ils l’engagèrent à nous demander pardon,
ainsi qu’à la femme qu’il avait blessée. Ils exhortèrent
ce lle -ci à vouloir bien se contenter d’une indemnité
de deux thalers, et elle y consentit. Le docteur Petit
lui arrangea ensuite le bras, et nous nous remîmes en
route. Je n’ai mentionné ici cet événement, peu important
en lui-même, que parce qu’il eut plus tard,
ainsi qu’on le verra, une suite assez curieuse.
Au sortir du district de Ouaré Kallo, nous entrâmes
dans celui d’Outchalé, qui commence à l’un des ra-
muscules de la grande chaîne : de l’autre côté est la
plaine de Sirba, dans laquelle nous vînmes camper auprès
d’un village, à petite distance de la rivière Méllé.
Le chef du district d’Outchalé s’appelait Ali Borou;
c’était un seigneur de grande importance, possédant
donjons sur roche, quatre forteresses réputées imprenables,
à savoir : Amba Moa, Amba Abbate, Amba Gué-
chène, AmbaEugouale. On nous dit qu’un jour Ras Ali
lui en avait demandé une pour y placer ses prisonniers,
et que Ali Borou n’avait répondu qu’en quittant précipitamment
le camp de son suzerain, pour aller se réfugier
dans le château demandé. Nous craignions qu’il ne
prît à ce hobereau la fantaisie de nous v o ir, auquel
cas il lui aurait fallu un cadeau, et peut-être davantage
; mais heureusement nous pûmes passer avant qu’il
en eût eu connaissance. D’ailleurs les habitants d’Outchalé
nous témoignèrent plus de bienveillance que ceux
de Ouaré Kallo; ils s’empressèrent de nous octroyer
une maison pour la n u it, sans même que nous la leur
eussions demandée.
Après Sirba, nous suivîmes la direction sud 15° est;
nous traversâmes un torrent nommé Adjou, qui se dirige
à l’est, et dont le lit, composé de cailloux roulés,