et le chemin était tellement glissant que nos mules
pouvaient à peine marcher. A notre gauche était la
montagne de Maguena, et à notre droite le versant de
Cherefa, qui, à cet endroit, prend le nom de Zembo ;
entre ces deux pentes coulait le ruisseau de Balidekème,
que nous traversâmes à l’endroit où les gradins de
Zembo et de Maguena viennent se réunir, sur un plateau
cultivé dont l’extrémité sud s’entr’ouvre profondément,
et reçoit la chute du ruisseau deBalidekème, après quoi
ce ruisseau saute sur des blocs énormes de roche granitique
: un peu plus bas, cependant, il prend un cours
paisible dans une vallée étroite et sinueuse, dont les
bords sont ombragés par des sycomores , des jujubiers
et un grand nombre d’arbustes d’espèces variées. Cette
vallée à une eau thermale, où les lépreux et autres
gens attaqués de maladies incurables accourent en foule
pour se baigner. La source a trois jets. L’un, près du
ruisseau d’eau froide, jaillit à travers une terre argileuse
: on a creusé tout auprès un bassin pour les malades
: c’est la place destinée aux lépreux. Le second
sort des fissures d’une roche siénitique, et remplit un
bassin naturel de 10 pieds de long, sur 5 de large et
3 de profondeur. Ce bassin est recouvert de branchages,
et c’est là que se baignent les galeux et autres,,
qui entrent p êle-mêle sans craindre la contagion : on ne
la redoute, en ce pays-ci, que pour les fièvres malignes.
Enfin, le troisième jet se fait jour à travers une roche
schisto-ferrugineuse, à dix pieds au-dessus du niveau
de la vallée, dans la muraille qui en borde la rive droite.
Un conduit en bois a été placé dans l’orifice pour en
diriger l’eau. Cette source est réservée aux malades
attaqués de rhumatisme, qui viennent y prendre des
douches sur la nuque et les épaules. La température
de l’eau, à cet endroit, est de 44°; dans les deux
autres, où il était moins facile de placer le thermomètre
d’une manière convenable, le mien ne marqua que
42°, quoique les trois jets aient évidemment une origine
commune. Nous n’avions pas à notre disposition
les moyens d’analyser cette eau; elle n’avait aucune
saveur particulière, mais une pièce d’argent que
nous y trempâmes fut aussitôt noircie.
En débouchant de cette vallée, nous arrivâmes à la
plaine de Neguesso, où coule la rivière Djaou, que nous
traversâmes, ainsi que les grands ruisseaux Gaoha be-
lébdé, Bérad ouaha, Saour ouaha, qui roulent sur des
lits de sable : ces derniers vont se réunir au Djaou, qui
est lui-même un des affluents de l’Aouache. A cinq heures
du soir, nous atteignîmes notre station sur la chaîne
occupée par le district de Mengueuste, au village d’Aro
Gouratti. Les habitants ne témoignaient pas beaucoup
d’empressement à nous loger; mais un riche laboureur
vint, dès qu’il sut notre arrivée, nous prier de choisir
sa maison, e t, après nous avoir fourni tout ce dont
nous avions beso in , il voulut absolument nous faire
accepter un boeuf, nous disant, pour vaincre nos scrupules,
que c’était son cadeau accoutumé à un gouverneur
abyssin, chaque fois qu’il en passait chez lui, etqu’il
nous tenait comme bien supérieurs à un gouverneur
abyssin. Je commençais à être touché de tant de générosité
; mais notre hôte ne tarda pas à laisser passer le