d argent ou d objets d’échange que nous possédions lui
étaient également restés.
J’allais partir lorsque je reçus l’invitation de Balgada
Aréa de venir prendre au camp quelques-uns de mes
effets et une m u le , qu’il était parvenu à arracher des
mains d Ato Enguéda. Le camp était alors placé sur les
bords de la rivière Gueba, à quelques lieues de Debry.
Aréa m avait. envoyé un guide. Pendant quelques heures
nous suivîmes le ruisseau Agabata qui passe à
Tchéleukotj puis nous montâmes sur le plateau de De-
bry, et après six heures de marche, nous parvînmes à
la descente rapide qui conduit à la rivière Gueba, en
un point qui tient le milieu entre l ’Amba Betléem et
1 Àmba Mekamat Aroa, deux forteresses d’Aréa très-
favorablement situées dans un pays coupé et boisé, où
la cavalerie ne saui'ait s’engager sans courir les plus
grands dangers. Le chef tigréen y avait amassé ses approvisionnements
de toutes sortes, et restait lui-même
presque toujours dans le voisinage, par cette excellente
raison que les populations, tenues en respect, lui
fournissaient des vivres.
Les rivières Agoula et Guembela se réunissent au
Gueba, non loin de l’Amba Betléem. On trouve les
mêmes roches dans ce bassin que dans celui de Tera :
en plusieurs endroits, elles sont disposées par carreaux
parallèles, qui forment des escaliers d’une telle régularité
, qu’on les dirait faits de main d’homme. Ces
fortifications naturelles, occupées par une troupe résolue
, pourraient faire une résistance invincible ; car
la pêche, qui est très-fructueuse dans le Gueba, lçi
préserverait de la famine. Pour réduire Aréa dans une
pareille position, Oubié n’avait donc aucune chance, si
ce n’est en le bloquant; et encore ce blocus l’auraitril
forcé à diviser son armée en divers corps, qui, pris individuellement,
eussent été trop faibles pour résister
au choc des Tigréens.
Étant parvenu au bas de la première rampe, j’aperçus
le camp : il était situé sur un plateau isolé, figurant
assez bien une redoute ; on y montait par des escaliers
naturels comme ceux dont je viens de parler.
J’estimai à cinq mille hommes environ la quantité de
troupes qui s’y trouvaient réunies. C’était beaucoup ,
presque une armée, et je m’en étonnai en songeant à la
difficulté de nourrir tant de monde; mais on m’apprit
qu’il y avait en ce moment convocation au camp de tous
les seigneurs fidèles à la cause du T igré, pour décider
de la marche qu’il y aurait à suivre. Je trouvai en effet
les principaux chefs rassemblés en conseil sous la tente
de Balgada Aréa. J’allais discrètement me retirer
après avoir reçu et rendu leurs compliments, lorsqu’ils
m’invitèrent à rester, m édisant que je n’étais pas de trop
dans leurs discussions. J’appris là qu’Oubié s’apprêtait
à envoyer une partie de son armée au nord du Ouéri,
sous la conduite de son fils , le dedjaz Chéto, et des
deux Fitaorari OueldaGuiorguiset Enguéda. Plusieurs
districts se préparaient à la résistance, et il s’agissait
de résoudre si l’on irait au secours des Tigréens, ou si
l’on resterait dans l’Enderta pour tendre quelque embûche
à Oubié lui-même. Un des motifs qui pouvaient
militer en faveur de ce dernier parti, ressortait d une