moeurs patriarcales, et l’hospitalité est une de leurs
premières vertus. Habitués à se réunir sans retard à
la voix du muezzin qui les appelle du haut de la mosquée
, ils sont toujours prêts, en cas d’agression, à
suivre le chef du villa g e, qui est aussi le chef religieux.
C’est à cette forte organisation qu’ils doivent la
sécurité dans laquelle ils vivent au milieu de ces
Gallas, dont les Abyssins chrétiens, plus désunis,
savent moins bien se préserver.
J’arrivai à quatrè heures du soir au district de
Mehhane. Aussitôt que je fus proche du principal village,
mon guide m’engagea à descendre de mule et à
faire décharger mes bagages; puis il se dirigea vers
un groupe d’hommes qui paraissaient tenir conseil.
Il dit quelques mots à l’un d’eux, qui semblait exercer
une certaine autorité ; celui-ci se leva et vint
au-devant de moi : il me prit par la m ain, me conduisit
au milieu de ses amis, et me fit asseoir en attendant
qu’on m’eût préparé une maison. Ces gens étaient
habillés comme les autres Abyssins ; mais leur chevelure
était arrangée en tresses q u i, partant du sommet
de la tê te, retombaient autour du col sans laisser
le front à découvert, ce qui leur donnait un air
remarquablement sauvage. Cette coiffure était enduite
de beurre pétri avec une poudre de bois, dont l’odeur
était plus agréable que celle des essences de girofle
qu’y mêlent les chrétiens; leurs tuniques ellest mêmes
étaient parfumées avec des plantes aromatiques.
Leurs armes semblaient plutôt être celles des Gallas
que des Tigréens, ce qui me porterait à croire qu’ils
sont issus d’une migration de Gallas de la plaine
Azébo, qui auraient adopté la langue et en quelque
sorte les usages du Tigré.
Lorsqu’on eut préparé un endroit convenable pour
mes bagages, mon hôte vint lui-même m’inviter à le
suivre, et me donna le conseil de ne pas me séparer de
lui, à cause des chiens de garde, qui, dans ce pays-ci,
ne sont pas d’humeur pacifique. C’étaient des bouledogues
très-différents de l’espèce commune en Abyssinie,
laquelle se rapproche beaucoup de celle d’Égypte.
La maison où j ’entrai ressemblait, quant à l’extérieur,
à toutes les maisons abyssines; mais l’intérieur était divisé,
comme chez les Gallas, en plusieurs compartiments,
dont l’un réservé aux femmes. Celles-ci, contrairement
à l’usage musulman, ne faisaient aucune difficulté
de se montrer en public. Je remarquai aussi
dans cette maison un fourneau disposé comme ceux
de nos cuisines d’Europe : c’est le seul du genre que
j ’aie vu en Abyssinie. Tout ici révélait l’ordre dans
l’abondance, et les serviteurs mêmes avaient cette
expression de bonté qui prouve toujours l’indulgence
du maître. A peine fûmes-nous assis que la femme
de mon hôte vint nous saluer et nous fit apporter un
pot de bière, destiné à nous faire attendre patiemment
le souper. Son mari se retira pour se rendre à la
prière, et je profitai de ce temps pour écrire quelques
notes et chercher un emplacement convenable aux observations
astronomiques, sans trop me compromettre
avec les chiens de garde.
Comme toutes les servantes du monde, celles d’A