Nous ne restâmes que sept jours à Tchéleukot; de
là nous allâmes à Antalo. Mon'guide me fit donner
une maison, et 1 intendant de l ’armée m’envoya des
vivres pour la journée. D’Antalo nous gagnâmes
Antabat, qui est situé dans un fertile vallon. Laissant
Saharte, propriété d e l’Oizoro Tabotou, sur notre gauch
e , e t , nous dirigeant à l’ouest vers la province du
Sloa, nous inclinâmes un peu au su d , et après un
quart d’heure de marche sur les sommets des collines
qui bordent le vallon d’Antabat, nous aperçûmes à nos
pieds , sur le versant opposé, une plaine ceinte aussi
de hautes montagnes, et au milieu de laquelle s’élevait
une petite butte en forme de redoute : c’était la
forteresse d Ato Rema. Non loin de là nous, voyions
aussi la ville d’Atchalako, qui est sür la frontière du
Sloa. Nous prîmes notre;route au nord, et traversant
le village d’Arba Asba, qui fait encore partie du goult
de Tchéleukot, nous entrâmes dans une vaste prairie,
dans la vallee d Ouaza. Le camp fut dressé Sur une
butte assez large, au milieu de la vallée : l’armée était
composée d’environ cinq mille hommes. Le soir, les
habitants apportèrent des vivres au camp en assez
grande abondance; le lendemain le contingent fut
moindre, et enfin le surlendemain les rations se trouvèrent
tellement exiguës, que les soldats allaient de
tous côtés s’écriant : Egzio ! ce qui est l’exclamation la
plus calamiteuse de la langue abyssine.
Le 12 a v ril, il vint au camp un message d’Oubié à
Balgada Aréa, lui mandant de venir le rejoindre dans
le Sémiène, L’envoyé fut traité avec distinction, et on
lui fit un présent ; puis un conseil fut immédiatement
convoqué pour délibérer sur les propositions dont il
était porteur. Chacun y émit son opinion à son tour, et
avec la plus grande déférence pour les opinions opposées.
Quelques-uns engageaient Aréa à se rendre à
1 invitation d’Oubié, et cet avis paraissait lui plaire;
mais les membres les plus influents du conseil, parmi
lesquels était Ato Baraki, prétendirent qu’on ne pouvait
accorder aucune confiance à la parole d’Oubié ; qu’il
n était pas d’humeur à perdre aucune occasion favorable
de se débarrasser des chefs tigréens qui lui donnaient
de 1 ombrage, et qu’au premier rang de ceux-ci il fallait
mettre les parents du ras Ouelda Sallassé et ceux de
Sebagadis. Ils firent d’ailleurs observer qu’Oubié avait
perdu sa cavalerie, c’est-à-dire sa principale force, et
que les embarras qu’il éprouvait dans le Sémiène le
tiendraient au moins un an encore avant de pouvoir envahir
le Tigré, et que d’ici là Aréa avait le temps d’affermir
son autorité et d’organiser une puissante armée.
Ces raisons prévalurent; on décida que les propositions
d Oubié seraient éludées, qu’on prendrait, pour
ne pas aller le rejoindre, le prétexte du désordre dans
lequel était alors le Tigré : on l’assurait que dès qu’il
paraîtrait .en deçà du Taccazé, on s’empresserait de lui
rendre hommage. Telles furent les paroles avec lesquelles
on renvoya l’ambassadeur.
Mais en même temps on dépêcha des prêtres au
choum Rema pour négocier une alliance. Ce chef n’a
que douces paroles sur les lèvres ; il envoie son fils à
Aréa, mais refuse de venir lui-m êm e le rejoindre :