à Égréomber, pour y faire les Pâques. L’Oizoro Ta-
botou, sa mère, vint s’y établir avec sa suite. Cette
dame, à qui j ’avais fait cadeau de quelques pièces de
mousseline, était très-bien disposée en ma faveur, et
ma table s’en ressentait. J’habitais dans son voisinage :
chaque soir une soubrette venait me demander mon
goût pour la composition de mon dîner.
L’envoyé d’Oubié revint au camp pour renouveler
ses propositions d’arrangement. Mais Balgada Aréa ne
laissait pas d’être informé que des émissaires avaient
été également expédiés vers Abba Haïlé. Voyant là , à
n’en pas douter, la duplicité du chef du Sémiène, il
renvoya encore son messager sans aucune parole positive
, mais le fit accompagner d’un homme de confiance
chargé d’ouvrir quelques voies d’accommodement pour
ne pas avoir l’air de rompre définitivement. Je profitai
de l’occasion pour faire offrir mes hommages personnels
au chef du Sémiène.
Nous restâmes sept jours à Égréomber : le dernier,
il y eut grand festin à l’occasion du renouvellement
de serment des chefs. A la fin du repas, des espèces de
trouvères improvisèrent des chants allégoriques, appelés
en abyssin, kénié : ces chants, en rappelant quelques
traits de l’histoire des princes de l’antiquité, font
allusion aux actions du prince actue l, et renferment
souvent, sous le couvert de l’éloge, des conseils et
quelques pointes de critique.
Le 10 m a i, l’armée opéra son ralliement et se mit
en marche pour Ouagri Ariha, situé sur un mamelon
de l’Enderta. De là , nous descendîmes dans la vallée
de Doullo, e t , après avoir franchi plusieurs collines
dévastées par la guerre, nous arrivâmes dans une prairie
au pied de la v ille-forteresse appelée K ouihaine-
Tchéleukot. Elle est assise sur une montagne formée
d’une série de couches parallèles et horizontales de
calcaires du terrain jurassique; ses flancs sont taillés
à p ic , et produisent l’effet d’une muraille; elle n’est
accessible que par un seul chemin assez étroit. Les maisons
de la ville sont construites de pierres qui se détachent
en blocs de la couche calcaire; les toits sont à
terrasse. Nous quittons Kouihaine-Tchéleukot le 1 3 ,
pour marcher dans la direction N. E ., sur un plateau
qui, d’un côté s’abaisse vers la plaine de l’Enderta, et
de l’autre va au pays Taltal. Nous marchions dans la
route ordinaire des marchands de sel qui se rendent à
Antalo, soit qu’ils viennent d’Atebidera, d’Aïkamessal
ou de Dessa. Deux heures après nous tournons à l’E ., et
nous arrivons vers les cinq heures du soir au village de
Dessa, sur le bord de la chaîne qui forme la frontière
naturelle du pays chrétien. On aperçoit de là la plaine
de Sel, à quinze lieues environ au S. E.; mais on ne
peut voir les montagnes qui la limitent à l’E. Entre
cette plaine et le plateau la différence de niveau est
d’environ 2 000 mètres. Dessa est le fief d’Aréa; c’est
parmi s.es vassaux que ce jeune chef a souvent trouvé
un refuge assuré pendant la guerre qu’il fit à Oubié.
L’impôt qu’il prélevait sur les caravanes exploitant le
sel suffisait à l’entretien de ses troupes.
Nous séjournâmes à Dessa le 14 et le 15, et nous
continuâmes notre route le 1 6 , nous dirigeant vers