que nous longions depuis l’Angote. Sur le premier escarpement
s’élèvent çà et là des pics dentelés, qui vont
porter leurs têtes jusque dans les nuages ; tel est celui
d’Antiokia, que nous relevons au S. 2“ E ., ceux de
Coumbi, d’Éphesson, de Jéricho.
Les vapeurs de la vallée Ouaré Kallo s’arrêtent sur le
plateau Ouello, et se résolvent en pluies qui, pendant
l ’hiver, s’accumulent et retombent en nappes dans la
vallée, l’inondent d’abord pour la fertiliser ensuite :
au premier gradin ces nappes se brisent, et de là roulent
de roche en roche, de rampe en rampe, avec un
énorme fracas, entraînant tout sur leur passage.
Chose digne de remarque ! pendant que, sur les hauteurs
règne un hiver presque continuel, les vallées ont
à peine trois ou quatre mois de pluies ; pendant qu’un
ciel gris de plomb jette son humidité glaciale sur les
sommets, un printemps éternel, un air pur, sec, chaud,
un soleil d’Italie féconde le pays de Ouaré Kallo. Et
nous avions sous les yeux cette b f usque antithèse de la
nature : ainsi, autour de nous, des genévriers, tous les
arbres à frimas, une bise perçante, des pics heurtés,
des ravins abrupts, des aigles étendant leurs sombres
ailes, des marais, de rares et misérables huttes; e t, à
quelques mille pieds plus bas, le splendide tableau des
richesses équatoriales, des champs de maïs, des ruisseaux
roulant un gros limon et les lianes paresseuses,
les mille couleurs des bananiers , des palmiers,
des mimoses, diaprés par un soleil étincelant : en un
mot, l ’Islande au-dessus du Brésil.
Nous avions établi notre observatoire sur un autel
g a lla , un bloc de granit couvert de beurre ; quelques
poules égorgées gisaient contre. Il est défendu
d’appuyer aucune arme sur ces pierres, et notre ignorance
à cet égard nous fît commettre un sacrilège qui
nous attira les injures d’un pâtre auquel nous nous
étions adressés pour avoir les noms de plusieurs villages.
Nous poursuivîmes notre route en suivant le milieu
d’un ravin formé par deux chaînes, qui partent encore
du col de Cossaro, en s’élargissant vers le sud, pour
enclaver la vallée de Ouaré Kallo.Toutes ces montagnes
forment ainsi unX, dont le col de Cossaro est le centre.
Le ravin recevait un ruisseau, où les laboureurs avaient
des prises, pour arroser leurs cultures.
Si nous avions eu l’intention de visiter Beurou Lobo,
chef du Ouaré Kallo, nous eussions dû suivre le talus de
la chaîne de gauche, appelée Guedara, et nous fussions
arrivés, après avoir traversé le marché d’Entcharo, au
pied d’Aïni Amba, forteresse de ce seigneur; mais tout
ce qu’on nous avait dit de lui excitait notre défiance,
et pour éviter une entrevue, nous résolûmes d’avoir
recours à un stratagème.
Parvenus dans la plaine, nous eûmes d’abord quelque
peine à traverser un large ruisseau qui coule dans
un lit argileux à coupures droites. Un peu plus loin, nous
longeâmes la rivière Borkenna, dans le district de Com-
bolcha, qui s’étend jusqu’au col formé par l’Aïni
Amba, à l’est, et l’Ambalgof à l’ouest. Nous étions encore
dans les domaines d’Abba Chaoul ; mais un pas de plus,
et c étaient ceux de Beurou Lobo ; aussi nous arrêtâ