tibles de l’humanité furent quelquefois méconnus ju s-
qu au point de faire de ces enrôlements volontaires une
traite beaucoup plus odieuse que celle dont ils devaient
hâter l’extinction définitive. Les ignobles scandales de
la spéculation privée, à laquelle fut abandonnée cette
industrie dans l’origine, ne tardèrent pas à éveiller justement
la sollicitude du gouvernement anglais. Après diverses
mesures répressives, dont il apprécia successivement
l’inefficacité, il en est venu à prendre lui-même
en main la suprême direction de ces opérations ; et un
agent, aposté par lui, offre ainsi aux immigrants et aux
colons une des garanties réciproques et certaines.
Le gouvernement français ne peut que profiter de cet
exemple, et nul doute qu’il n’adopte le système suivipar
les Anglais ; mais ceux-ci n’ont pas tout fait, et il reste
incontestablement, pour le régime intérieur de ces colonies
de travailleurs libres, de grandes améliorations à
introduire. Neserait-cepas une belle occasion d’apprécier
la valeur de divers systèmes d’économie sociale, si difficiles,
dans notre civilisation d’Europe, à soumettre au
creuset de l’expérience? Quoi qu’on en ait dit pour ou
contre, l’association est un des plus puissants leviers
sociaux, et si nous nous refusons à l’admettre comme
le régulateur suprême, nous sommes certains que dans
chaque endroit où le principe en sera appliqué d’une
manière large, il réalisera des merveilles. D’ailleurs,
ces gens que vous arrachez à leur foyer, à leur famille,
à une société qui est la leur, par l ’appât d’un
gain que tant de circonstances, à commencer par leur
disposition personnelle, peuvent rendre illusoire, pensez
vous ne leur devoir, en retour de leur labeur fécondant,
que quelques pièces d’or; et si, par le fait,vous en
condamnez tant parmi eux à la glèbe de vos cultures,
s’ils doivent être sevrés pour toujours des douces joies
de la patrie et de la famille, ne sera-ce pas là un nouvel
esclavage plus dur, plus impitoyable que l’ancien ? car
celui-ci dépendait de l’homme, devant lequel il y a toujours
merci, tandis que l’esclavage social est inflexible.
Enfin, pourquoi l’État, non content de surveiller les
enrôlements des travailleurs libres, ne les prendrait-il
pas à son compte? l’État est toujours le plus riche capitaliste;
il peut faire les avances d’une pareille entreprise,
sans aucune chance de perte, car les colons
veulent des bras à tout prix. Avec une partie du salaire,
relativement très-faible, l’État, appliquant les plus sûrs
principes de la communauté, parviendrait à amortir le
capital, à pourvoir aux besoins du travailleur, et à créer
pour chacun d’eux un fonds de réserve qui lui permettrait
dans un temps donné, de retourner dans sa patrie.
Et nous ne parlons pas des sûrs avantages de moralisation
et d’instruction qu’y trouveraient les immigrants,
avec très-peu de dépenses.
L’espace ne nous permet pas de nous étendre davantage
sur ce sujet; mais il est aisé de voir qu’une pareille
organisation tournerait au profit de tout le monde, et
qu’elle est peut-être la seule propre à conserver nos
colonies, dont le sort est assez critique pour fixer toute
notre attention. Mais ce projet, convenablement élaboré,
recevrait pour ainsi dire tout son mérite des immigrants
auxquels nous conseillerons de l’appliquer. On
voit d’avance que nous voulons parler des Abyssins.
Cette population est en effet, dans des conditions émi