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confidentiellement que le moment était mauvais pour
traverser le Godjam, attendu que ce pays était désolé
par la guerre de Ras Ali et de Beurou Gocho : il
nous conseille donc d’attendre chez lui une occasion
plus favorable. Nous n’ignorions pas, en effet, que la
guerre était allumée; mais, d u n autre cote, 1 intérêt
que nous témoignait Abba Maré ne nous semblait pas
de bon aloi; aussi lui exprimâmes-nous l’intention formelle
de partir. Le chef galla nous déclara à son tour
qu’il voulait un cadeau, et nous nous séparâmes ainsi
pour la deuxième fois. Les deux guides que nous avait
donnés Abba Soké, ainsi que ceux du roi de Choa, parvinrent,
par leurs remontrances, à décider Abba Maré
à nous laisser partir ; m a is , pensant bien qu il serait
imprudent de le quitter sans lui donner une sorte de
satisfaction, nous lui fîmes présent d’un fusil sur deux
qui nous restaient. 11 ne voulut pas, de son coté, avoir
l’air de demeurer en reste avec n ous, et nous donna
un squelette de cheval, qui succomba a la première
balte.
11 était, ce jour-là, un peu tard pour traverser le Nil :
nous n’atteignîmes que le second gradin, sur lequel nous
campâmes auprès de deux villages, Fetasse etKouyou.
Nous nous trouvions sur l’extrémité d une are te qui
saillit dans le ravin du N il, et relevions le cours du
fleuve au S. 60° 0 . Ce gradin se nomme Aréré ; plus bas,
il en est un autre qui se nomme Djéréré. Quoique le sol
en soit très-fertile, l’un et l’autre sont peu habités;
aussi les animaux carnassiers y sont-ils en grand nombre.
Nos guides nous engagèrent à faire bonne garde
pendant la nuit : nous entendîmes en effet plusieurs
fois le cri des hyènes, mais aucune ne vint nous attaquer,
Au lever du soleil nous nous mîmes rapidement
à descendre pour que la nuit ne nous surprît pas avant
que nous eussions atteint le plateau du Godjam. Jusqu’à
ce pays de Djéréré le sol était composé de terrains calcaires,
et le gypse se trouvait par masses assez fortes; au
terrain calcaire succédèrent les terrains de grès diversement
colorés par l’oxyde de fer, qui s’étendent par grandes
masses jusqu’au lit du Nil, formé d’un sol de production
volcanique. Au point où nous l’abordâmes, ce
lit pouvait avoir 120 mètres de large; mais, comme
celui de la Djemma, il n’était pas rempli; l’eau n’occupait
qu’une largeur de 60 mètres et une profondeur de
1 metre \ 0 cent. Le courant avait une vitesse étonnante,
si l’on compare la faible élévation du. niveau à l’étendue
du cours du fleuve. Là où nous étions, c’est-à-dire au
10' degré de latitude, ce niveau était de 1 200 mètres.