c è s, car, sauf Àbba Haïlé et Ato Breulé, aucun n’y
avait répondu. Au contraire, en obéissance aux injonctions
de l’armée tigréenne, partout on trouvait les
maisons désertes; les troupeaux avaient été conduits en
des lieux sûrs; les laboureurs apportaient leurs grains
dans les villes-asiles. Tchéleukot, à ce titre, en recevait
une grande part, et nous fûmes à même, par l’af-
fluence extraordinaire que nous rencontrâmes dans
cette ville, de bien juger de l’impression générale produite
par la modération d’Oubié, opposée à la rapacité
et à la turbulence des chefs tigréens.
On vint nous dire que le gouverneur du S lo a ,
à la tête d’un parti d’Amaréens, avait fait invasion
dans le district de Dessa, pour y poursuivre le dedjaz
Demtou et Balgada Aréa. C’était là une entreprise
dangereuse, et qui ne pouvait provenir que d’une haine
irréfléchie ; car, pour quelques milliers de vaches, tout
au plus, que lui vaudrait son expédition, Ato Rema
s’exposait terriblement dans ce pays de Dessa, si favorable
aux embuscades, surtout avec des tirailleurs
comme ceux de Balgada Aréa. Peu de jours après,
nous apprîmes que ce dernier, rencontrant deux des Fit-
aorari d’Oubié, Ouelda Mikaël et Enguéda, leur avait
tué trente hommes et les avait mis en fuite. Furieux de
cette mésaventure, Oubié fît fustiger les généraux vaincus.
Ouelda Mikaël en garda six mois le lit ; Enguéda
n’évita un sort tout pareil qu’en faisant au fouetteur un
cadeau considérable. Certes ces deux hommes ne purent
s’empêcher d’en garder un profond ressentiment;
mais ils n’en continuèrent pas moins de servir leur
prince avec toutes les apparences du dévouement ; car
ils n’étaient rien que par Oubié, et abandonner le maître
qui les avait faits riches et puissants, c était pour
eux rentrer dans la misère et dans l’obscurité. Si Oubié,
au lieu d’adopter une telle politique, eût conservé
l’ancienne noblesse aux premières places ; si, après sa
défaite à Débra Tabor, il n’eût pas renvoyé Tédalé
Aïlo et les autres chefs trop riches pour faire preuve
d’abnégation dans les moments difficiles, il eut infailliblement
perdu la dangereuse partie qu’il avait engagée.
Le 30 novembre nous reçûmes une lettre de M. Petit,
qui nous annonçait son départ de Sessate pour le lac
Achangui, où il devait, en nous attendant, se livrer à
quelques travaux d’histoire naturelle.
Le lendemain, nos affaires étant terminées à Tchéleukot,
nous nous disposâmes à aller le rejoindre. Nous
demandâmes à Ato Nagaro une escorte pour sortir de
l’Enderta; mais il nous assura que nous étions trop
bien connus dans cette province pour en avoir besoin.
Nous partîmes donc avec une seule mule de transport,
deux hommes pour la charger, et deux enfants qui
portaient nos fusils. J’étais bien résolu à presser la
marche et à ne faire halte qu’à la frontière du Ouodgé-
rate; mais un oubli de M. Vignaud, qui avait laissé son
cahier de notes chez Ato Nagaro, me força à me relâcher
de cette résolution. Nous nous arrêtâmes au pied
de la colline d’Afgole, en attendant le retour du
domestique envoyé en quête du cahier. Comme la
course était assez longue, nous descendîmes de mule,