que par des doutes sur la fidélité des Tigréens. « En face
de tout autre qu’Oubié, me disait-il, je ne craindrais
pas la lu tte , car ce serait une affaire à vider avec le
sabre; mais la force d’Oubié est dans l’argent, qui ne
peut être balancé que par une arme de même nature,
et je n’en ai pas. O ui, je ne suis pas sans craindre
que le chef du Sémiène, malgré tous ses désastres, ne
parvienne à reconquérir le Tigré. Quoi qu’il en soit,
j ’aurai beau faire, tant qu’il vivra je ne serai jamais
que le second. «
Le lendemain nous quittâmes Faleg Daro à sept
heures du matin pour arriver de bonne heure à Tché-
leukot. En y entrant, Aréa convoqua un grand conseil,
auquel fut admise l’Oizoro Tabotou, sa mère, qui
paraissait y avoir une voix prépondérante. Il s’agissait
de conclure un arrangement avec Abba Haïlé, un chef
de partisans qui tenait la forteresse d’Aladgié, la plus
sûre du Ouodgérate.
Après la première soumission de Cassaye, Abba
Haïlé et Balgada Aréa, ses vaillants généraux, eurent
leur part au pouvoir : le premier resta maître du Ouodgérate,
Aréa eut l’Enderta; mais Cassaye s’étant de
nouveau révolté contre Oubié, fut battu et fait prisonnier
à Amba Loule, ainsi que nous l’avons vu. Cette
fois, Aréa et Abba Haïlé se réfugièrent tous deux dans
le Ouodgérate, où , par leurs,efforts réunis, ils parvinrent
à se maintenir contre Ato Rema, le chef du
Sloa. Ce lu i-ci, dès l’origine de la guerre entre Oubié
et Cassaye, s’était déclaré pour le premier, au détriment
de son.propre pays; alors simple choum, sa
fortune avait considérablement grandi depuis, et il
était devenu le seigneur le plus important du Tigré.
Dans ces circonstances , Oubié lui donne la mission
de réduire le Ouodgérate, et l’engage, pour en venir
à ses fins, à diviser les deux chefs qui tenaient cette
province. Ce n’était pas chose difficile; car Area,
le nouveau venu, jalousait la prééminence d’Abba
Haïlé. La suite de cette manoeuvre fut une alliance
conclue entre Aréa et Ato Rema, et scellée par le
mariage de Rema avec Oizoro Tabotou, la mère d’Aréa,
qui était divorcée d’avec le dedjaz Demtou. Abba
Haïlé, accablé par ses deux en n em is, fut contraint à
s’exiler chez les Azebo, Gallas qui sont à la frontière
du Ouodgérate ; cependant la forteresse d’Aladgié resta
encore entre les mains d’un petit nombre de ses partisans.
Jusqu’au moment du départ d’Oubié pour Débra
Tabor, Aréa et Ato Rema vécurent en bonne intelligence
; mais la fidélité du chef du Sloa à Oubié était
établie sur de trop bons antécédents pour qu’Aréa,
levant l’étendard de la révolte, ne craignît pas de le
voir se déclarer contre lui et se joindre à Abba Haïlé.
Ce dernier avait de justes représailles à exercer, ce qui
n’empêcha pas , dès qu’Oubié fut sorti du Tigré, qu’il
n’accueillît les propositions d’accommodement que lui
fit Aréa. Néanmoins, par le doute que lui inspirait
la foi de cet allié, et augurant mal de quelques manifestations
hostile s, Aréa n’osait pas laisser Abba Haïlé
derrière lui avant de l’avoir attaché définitivement à
son parti. Tel fut le sujet discuté en conseil, et pour
lequel on envoya un message à ce chef.