sans y rien comprendre, la rapidité avec laquelle les
coups se suivaient. G’était d’ailleurs la première fois
qu’un blanc venait dans ces parages ; mille fables ridicules
circulaient sur mon compte , et avaient fait de
moi une espèce de croquemitaine. Nous eûmes donc
les coudées bien franches pendant toute notre excursion;
les curieux se tenaient à l’écart, et se contentaient
de nous contempler du faîte des collines.
Après avoir mangé quelques fruits, nous essayâmes
de nous avancer jusqu’à Mankel Kelié, d’où l’on aperçoit
la plaine de Sel et le lac; mais je fus tout à coup
pris de vertige, et je tombai sans connaissance. Je ne revins
à moi, au bout de quelques instants, que pour
éprouver des nausées et des vomissements douloureux.
Je donnai l’ordre de me placer immédiatement sur ma
m u le , me faisant soutenir par deux hommes, et de
me reconduire. Je leur défendis de s’arrêter quelques
souffrances qu’ils me vissent éprouver. Je m’évanouis
de nouveau pendant la route, et c ’est dans cet état qué
j’arrivai à Ficho. Je passai la nuit avec une ûèvre très-
forte; j’étais dans une telle atonie que je ne pouvais
lever le bras ni soutenir mon verre.
Au lever du soleil je me fis réattacher sur ma mule
pour monter sur le plateau, malgré les prières de mes
gens, qui craignaient que je ne succombasse en route.
Je doutais bien moi-même que je pusse y arriver, mais
j’avais la conviction en même temps que c’était ma
seule chance de salut. Dire ce que j’ai souffert pendant
cette ascension serait impossible; mais à mesure que
je m’élevais, je me sentais revenir à la vie; ma vue, qui
s’était recouverte d’un voile épais, commença à s’éclaircir;
c’était comme une résurrection. Je fus cependant
obligé de rester couché toute la journée; mais le lendemain,
j’étais pour ainsi dire guéri, et je pus me
mettre en route pour Atebidera, où j’arrivai à neuf
heures du matin.
Cet état de souffrance me fit perdre l’occasion de recueillir
une belle pièce pour notre collection de mammifères;
mes domestiques rencontrèrent un petit lion,
qu’ils tuèrent; mais, au lieu de le conserver pour
l’empailler, ils en découpèrent la peau. Si j’eusse ete
bien portant, j’aurais au moins fait garder intacte la
tête, que j’aurais enyoyée à M. Petit. Cependant notre
voyage ne fut pas complètement perdu pour l’histoire
naturelle, car je rapportai, outre quelques plantes nouvelles,
une série d’échantillons de roches prise sur le
flanc du plateau.
Parmi les renseignements que j’avais tirés de mon
hôte de Ficho, il en est un que j’aurais voulu vérifier,
celui de savoir si l’on pouvait aller de celte ville a
Amphilah en quatre jours, et à Messoah en cinq. Cette
route, qu’on n’avait jamais faite, eût été extrêmement
curieuse; mais la saison n’était pas favorable, j’en étais
trop bien convaincu pour en renouveler l’expérience.
Balgada me fit un reproche amical de n’avoir pas écouté
le conseil des habitants de Ficho, et me témoigna toute
la satisfaction d’un véritable ami en me revoyant sam et
sauf. Ses affaires avaient prospéré pendant mon absence.
Guébra Rafaël consentait enfin à rallier son drapeau, et
déjà des prêtres étaient venus discuter les conditions de