ments, tandis que les jeunes officiers se tenaient debout,
à part, les épaules découvertes et la toile autour
des reins. L’orateur qui discourait appartenait à une
tribu récemment subjuguée et qui venait, par sa
v o ix , réclamer contre un impôt dont on l’avait frapp
ée, et que les désastres de la guerre la mettaient
hors d’état de payer. Ce plaidoyer était présenté avec
une adresse et une éloquence qui captivait l’attention
de toute l’assemblée. Quand il fut fini, le roi lui donna
raison ; mais alors un de ses favoris alla se placer auprès
du Galla, en arrangeant sa tunique comme un
homme qui va prendre la parole, et il commença une
réplique dont le texte était que le pays soumis lui
avait été donné en gouvernement. Il mit dans sa parole
toute la véhémence et la prétention d’un valet en faveur
auprès du maître : aussi l’assemblée lui donna-t-
elle tort, et le roi lui-même fut forcé de le réprimander,
quoiqu’il fût aisé de voir que c’était à regret et
que le courtisan saurait bien ressaisir dans le tête-à-tête
l’objet qui lui échappait actuellement.
Après la séance, j’expliquai au roi les motifs de ma
visite, et un courrier fut aussitôt expédié pour ramener
nos domestiques.
Les jours qui suivirent, nous continuâmes nos travaux
d’observation. Le vendredi 2 4 , le roi nous fit appeler
pour consulter le docteur Petit sur quelques infirmités.
Au sortir de cette visite, un des seigneurs de la cour, qui
s’était mis bien avec nous, nous raconta diverses anecdotes
du règne de Sahelé Sallassé. Il en est une entre
autres qui nous paraît assez curieuse pour figurer ici.
Un des seigneurs de la cour, un nommé Metoukou,
avait le commandement des provinces gallas. Sa faveur
était grande, et il osa pprter ses vues jusqu’à la
main d’une fille de son souverain : elle lui fut accordée.
De là, grande joie. Comme c’est l’usage en pareil cas,
le fiancé fit de riches cadeaux, en gage de reconnaissance
pour l’honneur dont il était comblé. Déjà tout se préparait
pour les noces : mais l’envie, depuis longtemps
déjà attachée à la fortune de Metoukou, chercha à le
perdre par de basses calomnies ; de sourdes intrigues
furent dirigées du côté de la reine, dont l’influence est
toute-puissante sur l’esprit de Sahelé Sallassé, et elle fut
circonvenue jusqu’au point de l’amener à déclarer publiquement
qu’elle ne donnerait pas sa fille à un homme
soupçonné d’être atteint de la lèpre. Irrité d’une pareille
injure, Metoukou se retira immédiatement chez les
Gallas, et envoya défier le roi, Celui-ci mit aussitôt des
troupes à sa poursuite, et Metoukou, loin de les éviter,
vint à leur rencontre. Lorsque les deux partis furent en
présence, il envoya dire au chef de l’armée royale qu’il
le prendrait pour témoin qu’il n’était pas un lépreux
et un homme sans doigts ; et, sans attendre une réponse,
il charge à la tête de ses Gallas, met l’armée royale en
déroute, et, sur le point de faire le roi prisonnier, s’arrête
tout à coup, retenu par le respect pour son ancien
maître, et peut-être aussi par un reste d’amour pour
sa fille. Après cette mansuétude, plus généreuse qu’habile,
il rentre dans le pays galla, dissout son armée, et
donne ainsi libre champ à la diplomatie du roi, qui, faisant
agir l’argent et la ruse, a détaché, au bout de quej