(.repris sur l’Enderta. M. Petit me quitta le lendemain
pour me précéder dans le Ouodgérate.
Toutes mes affaires étaient terminées, et je me disposais
à partir, lorsque je reçus inopinément la visite
de l’alaka Ouelda Iiidane, qui arrivait d’Adoua avec un
de mes anciens domestiques. Ayant appris que je me
rendais dans le Choa, il venait me supplier de l’emmener
avec moi : quelques-uns de ses parents y étaient,
disait-il, en faveur auprès du roi. Cet homme avait en
effet de sérieux motifs pour s’exiler; il devait redouter
la colère d’Oubié, qu’il avait trahi à la journée de Débra
Tabor, en passant au parti de Marso. Fait prisonnier
dans la dernière bataille livrée par Oubié à son frère,
il avait été d’abord emprisonné, puis gracié et renvoyé.
11 était venu à Adoua pour solliciter de l’emploi
cbez Aréa; mais celui-ci lui avait déclaré qu’il ne
voulait pas de traître dans son armée.
J’hésitai moi-même à admettre en ma compagnie
un homme d’un aussi vilain caractère ; mais il y mit tant
d’insistance, il me répéta tant que ses dispositions à
l’égard des Européens étaient totalement changées depuis
son retour, qu’à la fin je me laissai fléchir, sauf à
lui faire un compte général de ses méfaits à la première
occasion où il laisserait percer son mauvais naturel.
Je me réconciliai donc avec lui, et comme il était sans
vêtement et sans argent pour s’en procurer, je lui fis
présent d’un des miens. Je n’étais pas fâché d’ailleurs
d’étudier de plus près un pareil caractère, et comme
j ’allais me trouver en pays aussi étranger pour lui que
pour m o i, je pensai qu’il me serait toujours facile
de lui tenir tête, dans le cas où il voudrait me jouer
quelque mauvais tour.
Un des domestiques que nous avions envoyés à Adoua
fut de retour avant mon départ; il m’annonça qu’on
avait eu des nouvelles de notre drogman et des lettres
de la maison Pastré, d’Alexandrie, faisant savoir
qu’il était arrivé deux ballots à l’adresse de M. le docteur
Petit. Rien cependant n’était encore parvenu à
Messoah, et cet argent pouvait tout au plus nous
rassurer pour l’époque de notre retour.
Je quittai Tcheleukot le 9 novembre. Après avoir traversé
la plaine d’Antalo, je m’arrêtai pour passer la
nuit dans un village situé au bord de la rivière B ouillé.
Je rencontrai plusieurs corps de troupes qui allaient
rallier l’armée de Balgada Aréa; les chefs, qui connaissaient
mes bonnes relations avec leur général, s’arrêtaient
pour causer avec moi, et savoir si je m’apprêtais
aussi à rejoindre l’armée. Je me gardai bien de les mettre
dans une opinion contraire, et leur demandai s’ils
croyaient que Balgada Aréa dût bientôt livrer bataille.
— « Nous ne pensons pas qu’il puisse attendre plus de
trois jours, » me répondirent-ils, « car Oubié continue
de s’avancer, et nous ne voulons pas qu il aille plus loin,
à moins qu’il ne marche sur nos cadavres. »
Nous laissâmes ces gens poursuivre leur route, en leur
disant que nous ne pouvions profiter de leur compagnie,
parce qu’étant fatigués, nous voulions passer la
nuit dans le village où nous nous trouvions. Peu de
temps après, on nous apprit qu’Abba Haïlé était
descendu de sa forteresse pour se rendre au camp