descendîmes de mule et attendîmes en effet une grande
heure. Nous commencions à nous impatienter lorsque
nous vîmes arriver le messager. Il avait longtemps
hésité à accepter une mission aussi lointaine et aussi
périlleuse ; et pour l’y décider, il n’avait rien moins fallu
que la menace d’être dépouillé de ses biens. Ce moyen
coercitif est en faveur à la cour du roi de Choa, très-différent
en cela d’Oubié, qui fait fouetter rudement, mais
que cette rigueur n’empêche pas d’être extrêmement
généreux. Notre courrier nous apprit que la lettre nous
concernait et voulut nous en faire prendre connaissance.
Elle contenait en effet, après deux lignes destinées
aux compliments d’usage, une troisième annonçant
à Oubié que nous avions promis un fusil à Sa Maje
sté, et qu’il était prié de le recevoir pour le faire parvenir
à son adresse.
A deux milles au nord nord-ouest de la rivière Tchat-
cha, nous rencontrâmes le ruisseau de Changui, qui
donne son nom à un district et au village c h e f -lie u ,
où nous arrivâmes après cinq heures de marche. Le
choum se trouvait fort malade ; il ne voulut pas recevoir
le docteur, mais il accepta des médicaments : encore
nous fit-il dire qu’il attendrait au samedi pour les
prendre, parce qu’on lui avait prédit que le jeudi et le
vendredi seraient toujours pour lui des jours néfastes.
Son fils, jeune homme de dix-huit ans, de fort bonnes
manières, se chargea du soin de nous recevoir; et ne
pouvant nous trouver une maison commode, il fit immédiatement
dresser deux tentes à la mode du p ays,
l’une pour les bagages et l’autre pour nous.
Ce district fait partie de la tribu des Abitchou Gallas.
Le lendemain, en quittant Changui, nous traversâmes
la rivière Beullète et entrâmes sur le territoire des Ga-
lanes. Nous marchâmes ainsi pendant sept heures.
Nous arrivâmes à une série de mamelons qui courent
nord et sud, au delà desquels nous traversâmes la rivière
Robi Gomaro, sur le territoire Ouobéri. Nous
gravîmes les collines du bord opposé, et deux heures
après nous passions la rivière Robi Sana, qui va se
jeter avec la première dans la rivière Djemma. Non
loin de là est le village d’Ifatchio, où nous campâmes.
Les soldats du roi et celui, d Abba Mali y demandèrent
pour nous la meilleure maison, un mouton, du m ie l,
de 1 orge, de la bière, etc. Les vieillards se rassemblèrent
immédiatement au pied d’un mur pour se consulter.
Une heure après on nous apporta un peu d’orge
pour nos mules, unique subside voté par le conseil.
Mais les guides refusèrent, et prétendirent avoir tout
ou rien. Le conseil se réunit de nouveau. Cependant
les femmes allaient et venaient autour de nous, et
nous examinaient avec grande curiosité. Elles échangeaient
avec nos domestiques, pour quelques aiguilles
et des colliers de verroterie, du lait et des pois chiches
rôtis, qui étaient pour eux un grand régal. Ces femmes
s’habillent comme celles de la tribu des Abitchous et
des Galanes, et en général comme toutes les femmes
gallas que nous avions vues depuis notre entrée dans
le Choa : seulement celles-ci portaient encore plus de
verroteries ; elles en avaient d’immenses colliers et des
ceintures à plusieurs tours, et le cuir de leur jupe en