toutes les provinces d’Abyssinie. Ceux du Tigré y portent
le sel qui sert de monnaie, et les guinées rouges
et bleues; ils prennent en échange des mules, des chevaux
et de l’argent. Les négociants du Godjam portent
seulement des verroteries, outre quelques guinées ;
ceux du Ouadela, des pelleteries ; les Adals jj amènent
des b e stiau x , et prennent en retour du grain. Les
échanges finis, les marchands du Tigré s’en retournent
en caravane, et suivent quelquefois la vallée Azébo
Galla, qui est la route la plus courte et la plus plane,
mais aussi la plus dangereuse par sa population galla.
Le plus souvent, ils choisissent la route du Lasta et
passent par le marché de Sokota, où ils trouvent de la
cire à bas prix, et des peaux d’antilope préparées pour
l’usage des pèlerins, qui s’en servent en guise de manteaux.
De Sokota, ils se rendent à Antalo par deux routes,
l’une qui passe par le district de Bora et le Sloa,
l’autre par le Ouodgérate.
Moyennant quatre sels, nos hommes nous avaient
rapporté du marché assez de grain pour nourrir tout
notre monde pendant cinq jours, et nous étions trente;
avec les autres provisions, notre dépense n’avait pas été
au delà de trois quarts de thaler, et encore ce thaler,
n’ayant pas les conditions requises pour avoir toute sa
valeur dans le pays, n’avait pu être changé que pour
vingt-huit sels, au lieu de trente-deux.
Quant aux vivres de tous les jours, notre bimbeloterie
y pourvoyait : une aiguille nous procurait un pain ou
deux bouteilles de bière. C’était un véritable pays de
Cocagne pour nos gens, et ils auraient voulu ne jamais
le quitter. Ils nous parlaient avec admiration des courtisanes
de l’endroit et de leurs improvisations, alors
qu’elles avaient parcouru le marché pour vendre à l’enchère
les armes des vaincus de la veille.
Le mercredi 18 janvier était le jour du baptême du
Jourdain; on promenait le tabernacle, et ce peuple, qui
s’entr’égorgeait les jours précédents, suivait dévotement
la procession, et se prosternait à chaque instant
pour baiser la terre. Nous ne pûmes, le docteur Petit et
moi, assister à toutes les cérémonies qui eurent lieu,
attendu que nous nous trouvions malades.
Comme il fallait cependant en finir avec notre
excursion au Choa, nous résolûmes de partir, quel
que fut l ’état de notre santé. Nous fîmes appeler le
maître du logis, et, après l’avoir remercié de son hospitalité
, nous lui offrîmes un cadeau, qu’il refusa
d abord, nous disant que, dans notre long voyage, nous
aurions besoin de toutes nos richesses pour nous ouvrir
les voies. Il nous prévint, à ce sujet, de nous
tenir sur nos gardes lorsque nous traverserions le pays
de Beurou Lobo, dont l’avarice et la méchanceté étaient
proverbiales chez les Abyssins, et ne pouvaient manquer
d’être excitées par la vue de nos mules chargées et de
nos fusils; il nous engagea, pour notre sûreté, à démonter
ces derniers, et à mettre les canons dans des
sacsv «„Je regarde, ajouta-t-il, votre arrivée jusqu’à
Oualdia, comme un miracle, surtout dans ce moment
où le pays est sans chef et a subi quatre pillages : le
premier par Aligas Farès, le deuxième par Marso, et
les deux autres par Ras Ali. J’ai entendu jaser les