pédition, mais un devoir dont je m’acquittai machinalement,
et je puis le dire, la mort dans le coeur.
Je reçus l’hospitalité chez MM. de Jacobis et Schim-
per, et le lendemain, après avoir entendu la messe de
notre préfet apostolique, ces messieurs voulurent bien
m’accompagner pour être présents à l’ouverture des
caisses de collections, qu’on supposait devoir être endommagées
par un long séjour dans l’île. Ces prévisions
ne furent que trop réalisées : il ne restait pas un mammifère
en bon état; le plus grand nombre de mes
insectes était en poussière. L’ornithologie avait moins
souffert, et nous pûmes encore sauver un assez bon
nombre de pièces précieuses.
Il me fallut construire de nouvelles caisses, et tout
nettoyer. C’était un rude travail par 35° de chaleur, et
malade comme je l’étais alors. J’eus heureusement
pour m’aider l’infatigable Angélo qui, depuis six mois,
s’était établi à Messoah pour y faire le commerce. Ce
brave serviteur avait pleuré de joie en me voyant, et il
fit aussitôt ses dispositions pour me suivre jusqu’au
Caire; car il ne voulait pa s, me d it-il, me laisser
voyager seul sur là mer Rouge, dans l’état de fatigue
où il me voyait.
Tous mes serviteurs abyssins m’avaient aussi suivi
jusqu’à Messoah, tous voulaient m’accompagner en
France. Ce fut un moment bien pénible que celui où
je fus forcé de les congédier; car j’avais fini par les
regarder moins comme des domestiques que comme
de braves compagnons, attachés à moi par la solidarité
d’une existence commune, de dangers partagés sans
murmures, et de rares aubaines accueillies avec la plus
naïve reconnaissance.
Je ne pus cependant résister aux prières du jeune
Maderakal. Ce garçon était issu d’une bonne famille,
et pouvait prétendre à une position élevée, s’il retournait
dans son pays après avoir développé, par un
séjour de deux années en Europe, une intelligence qui
donnait les plus heureuses promesses. D’ailleurs, la manière
seule dont il s’était présenté chez moi valait une recommandation
puissante : « Je suis orphelin, m’avait-
il dit; veuillez me servir de père, je serai pour vous un
fils dévoué; je vous suivrai partout, et je mourrai, s’il
y a lie u , à vos côtés. » Depuis deux ans que je l’avais
accueilli, il avait agi comme il l’avait dit : je ne pouvais
donc à mon tour le priver de la récompense qu’il
ambitionnait.
Le 11 août, j ’avais achevé l’emballage des collections;
je fis embarquer mes effets sur une barque
arabe que j ’avais frétée jusqu’à Djeddah. A minuit
j ’entrai dans la barque, en compagnie d Angélo et de
Maderakal; à deux heures, nous appareillâmes. Le
vent était au N. 0 . , et nous louvoyâmes tout le jour
pour atteindre l’île de Nora, où nous jetâmes l’ancre;
nous y restâmes deux jours pour faire de l’eau. Le 1 4 ,
nous continuâmes à naviguer dans les îles de l’archipel
Dhalac; le vent soufflait toujours du N. 0 , depuis
huit beüres du matin jusqu’à quatre heures du soir.
A deux heures du matin, il prit au S. 0 . , et il fit
calme depuis le lever du soleil jusqu’au moment de
la brise du large.