Gondar. 11 me racontait comme quoi, dans son passage
à travers le Tembène, un parti d’Amaréens l’avait
contraint à se rendre au camp d’Oubié ; qu’effrayé
d abord, parce qu il savait que ce prince avait vu d’un
mauvais oeil nos relations avec Aréa, il s’était remis
de sa panique grâce a 1 alaka Habeta Sallassé, qui avait
fait observer à son maître que des étrangers, venus pour
parcourir un p a y s, avaient besoin d’être les amis de
tout le monde, sans épouser la querelle d’aucun. Une
escorte avait donc aussitôt été donnée à M. Yignaud,
qui de là avait rapidement gagné Adoua. A l’époque où
il avait vu le camp d’Oubié, l ’abondance était loin d’y
régner, quoique 1 ordre y fût maintenu par de sages
mesures. Le pillage n était permis qu’à la dernière
extrémité; mais on savait exiger des chefs soumis, des
contributions de grains, qui étaient distribuées avec
ménagement, et non gaspillées comme celles de Bal-
gada Aréa pendant son séjour à Adoua.
Chaque jour, du reste, la position d’Oubié se raffermissait
, et tout portait à croire qu’il serait bientôt redevenu
le maître de tout le Tigré.
Un événement vint encore augmenter ses chances
de succès, en jetant la discorde parmi les Tigréens. A
peine le dedjaz Gouangoul avait-il été rendu à la liberté
par Aréa, que, pour cimenter leur alliance, il demanda
à épouser une des soeurs de celui-ci. Ce mariage
arrêté, les noces ne pouvaient être célébrées en plein
champ comme en temps de paix. Gouangoul sollicita
la permission de les faire dans la forteresse d’Ato Ba-
raki, et ce dernier, qui avait été constamment un ami
dévoué de la maison de Sebagadis, s’empressa d’y consentir.
Les fiancés entrèrent donc dans la forteresse
avec une dizaine de serviteurs seulement, et l’on se
mit à festîner comme c’est l’usage. Au moment où
la plus grande expansion régnait entre les hôtes, les
gens de Gouangoul introduisirent secrètement une
troupe de soldats qui s’emparèrent de la forteresse en
son n om , et en expulsèrent Ato Baraki et les siens.
Une pareille trahison amena tout à coup la guerre
entre les deux chefs les plus puissants de l’Agamé.
Gouangoul devait craindre qu’Aréa ne prît fait et cause
pour Baraki, et cette considération le faisait pencher
pour Oubié, qui lui offrait alors de bonnes conditions.
Les choses en étaient là lorsque je quittai l’En-
derta pour perdre de vue , pendant un certain temps,
les armées belligérantes.
Je me séparai d’Ato Nagaro comme un fils de son
pè r e , le coeur serré et faisant les voeux les plus sincères
pour sa prospérité. Cette fois il ne voulut pas que
je partisse seul ; il me donna son fils pour m’accompagner
jusqu’au Ouodgérate.
Nous prîmes, non pas la route d’Afgole, mais celle
des collines qui dominent Tchéleukot. A droite se déployait
la plaine d’Antalo, et devant nous s’élevait‘la
chaîne limitrophe du Ouodgérate. Au moment où
nous atteignions cette frontière, dans le voisinage du
district d’Ara, plusieurs cavaliers à mine suspecte
s approchèrent de nous; mais intimidés sans doute par
notre contenance , ils se contentèrent de nous saluer,
après quoi ils rebroussèrent chemin. Le fils d’Ato Na-
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