gypse succédèrent au grès bigarré , et nous trouvâmes
ensuite des grès, auxquels étaient superposées des
couches calcaires semblables à celles de Guedarô ;
enfin, la partie supérieure était composée de trachytes.
Nous arrivâmes, au coucher du soleil, à la forteresse de
Mari Sabarô. Elle se nomme Selèle : c’est, comme
toutes les forteresses d’Abyssinie, une découpure du
terrain, ainsi qu’il en existe dans les pays montagneux.
Celle-ci est formée d’une chaussée étroite, dont les
flancs verticaux descendent jusqu’au gradin inférieur
vis-à-vis le Nil. La partie par laquelle on entre est con-
tiguë au plateau et se trouve de niveau avec lui, mais
elle est fort resserrée, et on l’a fermée par trois murailles
dont les portes, toujours gardées, ne s’ouvrent
que sur un ordre du maître. Ce fut Abba Maré, le fils
aîné de Mari Saharô , qui nous reçut. Il était assis au
milieu de ses soldats, fumant une pipe dont la tête
était un morceau de lave grossièrement travaillé, qui
s ’emboîtait dans une gourde pleine d’e a u , laquelle
était trouée sur le côté pour recevoir le bout d’un bâton
percé servant de tuyau. La réception d’Abba Maré
ne fut pas amicale : il nous laissa assis pendant quelques
minutes en sa p résence, sans daigner nous adresser la
parole. Cependant, après avoir pris tout le temps de
nous examiner et défaire ses réflexions, il nous souhaita
la bienvenue. Sans pousser plus loin la conversation,
il se leva pour se retirer chez lui, et nous fit conduire
dans un autre corps de logis, vis-à-vis le sien. Comme
nous étions parfaitement édifiés sur la propreté des maisons
g a lla s, nous refusâmes d’y entrer, et fîmes dresser
notre tente à côté, abandonnant le logis à nos gens.
Bien nous en prit, car, cinq minutes après, on nous
porta des lits que nous fûmes obligés de renvoyer, tant
ils étaient pleins de punaises.
Le lendemain, Abba Maré prétexta des affaires pour
ne pas nous recevoir : ses frères profitèrent de l’intervalle
pour venir nous rendre visite, et quêter quelque
cadeau; mais, sauf nos sabres et nos fusils, rien de ce
que nous possédions ne paraissait être à leur convenance
; aussi eûmes-nous grand’peine à nous débarrasser
d’eux. Nous employâmes cette journée à nos
explorations. Du point où nous étions, dominant tout
le plateau de Godjam, nous pûmes relever les hautes
montagnes de cette province et les collines de Bassô.
Nous prîmes au ssi, quoique d’une manière moins
précise, parce que nous étions moins sûrement renseignés,
les relèvements des sommets d’Amorô. Nous découvrions
derrière nous les parties hautes des pays
Ouello, de Tchakata, et, au nord, à la bordure du Nil,
le plateau de Déra, célèbre par son marché, où se vendent
les meilleurs chevaux de l’Abyssinie. Le soir, il nous
futpermis de voir Abba Maré ; nous lui offrîmes un sabre,
car nos gens avaient été prévenus qu’il ne nous laisserait
pas passer sans cadeau. Ce chef rejeta notre
sabre, et nous demanda un fusil ou de l’argent. Nous
refusâmes tout net, en lui souhaitant néanmoins une
bonne nuit.
Deux heures après, Abba Maré nous rappelle
chez lui. Il fait apporter de l’hydromel, et proteste de
ses bonnes intentions à notre égard; mais il nous dit