mieux à même de gouverner après la conquête. Mais au
lieu de recevoir le dedjaz Cheto avec honneur, et de lui
témoigner toute sa satisfaction, il l’accueillit avec un
visage sévère, pour mieux cacher ses sentiments secrets,
et, le blâmant de sa clémence, il lui demanda
pourquoi il n’avait pas effacé jusqu’à la dernière trace
d’habitation dans le pays d’Okoulé Gouzaye.
Cependant on était loin d’avoir aussi bon marché de
Balgada Aréaet de sa petite troupe, divisée par bandes
de quarante à cinquante hommes. Tous les jours il
surprenait quelques maraudeurs de 1 armée ama-
réenne, et campait presque toujours en vue de la
tente d’Oubié, qui, connaissant son caractère audacieux,
se faisait garder la nuit avec le plus grand
soin : le jeune chef était parvenu à exclure le sommeil
et le repos du camp de son ennemi. Un jo u r ,
des espions vinrent prévenir Oubié que Balgada Aréa,
à la suite d’une razzia, avait donné quelques vaches à
ses soldats, q u i, occupés à se gorger, se gardaient
avec négligence. Aussitôt Oubié assemble ses offic
ie r s, et propose le gouvernement de l’Enderta à
celui qui lui amènera Balgada Aréa mort ou vif.
Agâo Ouelda Mikael, un des plus valeureux de l’armée,
se lève alors, et demande que le commandement
de la cavalerie lui soit confie dans cette expédition.
« Un de nous deux n’existera plus ce soir, je le jure,
d it -il, par la vie d’Oubié. » Sa demande lui est accordée
et il part avec cinq cents chevaux et trois
mille hommes de p ie d , ces derniers commandés par le
Bedjirouend Keuptié.
Balgada Aréa se tenait dans une plaine voisine
de la ville de Débri, sur les bords du ruisseau
Ankedène. 11 avait avec lui Nébrid Ouelda Sallassé,
Ato Baraki et Balgada Deresso : leurs soldats réunis
pouvaient se monter à deux cents. Les chevaux et les
mules étaient au pâturage, et chacun, pour être plus
à l’a is e , avait défait sa ceinture de combat ( qui n’a
pas moins de quarante coudées de long). Il était
trois heures de l’après-midi lorsque les vedettes vinrent
annoncer l’approche de la cavalerie ennemie.
Avant que tout le monde fût debout, elle était à portée
de fusil. Cependant cette petite troupe ne s’émut point;
Nébrid Ouelda Sallassé, vieillard de soixante-dix ans,
tellement obèse, qu’il ne pouvait marcher, se prit
à dire : que devant tout autre qu’Oubié il n’était pas
permis de fuir. Tout aussitôt la fusillade s’engagea et
la cavalerie amaréenne fut forcée de reculer ; mais l’infanterie
survint pour l’appuyer et la ramena au combat.
Les gens de Balgada Aréa commencèrent alors à
lâcher pied; quant à lui il ne recula pas d’une seme
lle , et refusa de monter son cheval qu’on lui présentait.
C’est à ce moment qu’Agâo Ouelda Mikael,
arrivé à portée de la voix, lui crie de se rendre :
« 11 faut un autre champion que toi pour me faire
prisonnier, Ouelda Mikael, dit en raillant Balgada
Aréa.
—• Prends garde que tes proches ne pleurent ce soir,
toi qui ris si bien maintenant, » repartit le guerrier
amaréen, et il lance sur lui son cheval à toute carrière
; mais au moment où il lève le bras pour lancer le