nos mars, sous nos y eu x , cette obligation ne pèse-
t—elle pas sur les prolétaires? Pour l’ouvrier, et à un
plus haut degré pour l’esclave, la véritable liberté est
celle de ne rien faire : cette liberté n’existe pas ici sans
de grandes entraves; pourquoi la créer illimitée là-bas,
dans ces parages, où le nègre peut vivre de quelques
racines? Que fait l’État, par la promulgation de la lo i ,
sinon de se substituer organiquement à la nécessité
sociale qui règne ic i?
Malheureusement, il est encore à craindre, malgré
toutes ces précautions, que l’émancipation ne ruine
nos colonies, et cette éventualité crée une raison supérieure
à tou te s, la raison politique, dont il est fâcheux
qu’on n’ait pas assez tenu compte ; car si l’in-
teret des esclaves peut balancer celui des colons, il ne
saurait entrer en lice avec celui de la métropole : ce
serait la une sentimentalité par trop exagérée, et dont
il faut renvoyer les courtes vues à la politique larmoyante
du bon abbé de Saint-Pierre. Malgré les vices
inhérents à leur méthode, les Anglais ont eu, nous le
croyons , le grand art de concilier l ’émancipation avec
les avantages finals de leur commerce, et, sans doute,
l’avenir tardera peu à mettre ce fait en évidence. Pour
le moment, il y a dans lé système français des inconvénients
constatés, et qui doivent exciter toute la sollicitude
du gouvernement. S’il ne parvient à y parer, la
production coloniale marchera à un rapide déclin, et
nos colonies elles-m ême s à une chute certaine. L’affranchissement,
malgré toutes ses restrictions, dégarnit
l’atelier, et justement des meilleurs bras, puisque les
bons travailleurs sont ceux qui se rachètent le plus vite.
Le remède est sans doute clairement indiqué, mais où le
trouver et comment l’appliquer, c’est-à-dire où prendre
des bras, comment les faire agir? L’expérience a prouvé
qu’il ne fallait pas compter du tout sur les nègres affranchis,
et c’est tout naturel, puisque, comme nous l’avons
dit, ces gens ne connaissent qu’un seul des droits de la
liberté, celui de ne pas travailler à la terre. 11 faut donc
leur substituer des immigrations de travailleurs étrangers.
Examinons les conditions diverses de cette mesure,
déjà tentée dans les colonies anglaises avec plus
ou moins de succès.
La première est dans l’appropriation du tempérament
des travailleurs au climat delà zone torride ; la seconde,
dans la convenance du salaire, qui doit être suffisant
pour tenter l’immigrant, et ne pas outre-passer les
moyens du planteur. Malgré ce qu’on en a pu dire, les Européens
ont montré peu d’aptitude à remplir ces deux
conditions fondamentales, et les essais d’immigration
européenne ont eu, que nous sachions, un médiocre succès,
quand elles n’ont pas présenté des résultats déplorables.
11 est actuellement assez généralement admis que
les seuls naturels intertropicaux, sont aptes, sous ce
brûlant climat, à travailler la terre. Ainsi, les Indous,
les Chinois méridionaux, certaines peuplades de la côte
orientale d’Afrique ont fourni aux colonies anglaises les
seuls essaims de travailleurs dont ellesaienteu àse louer.
Mais les plus grands obstacles provenaient du mode
et des formes employées dans l’engagement de ces
travailleurs libres. C’est ici que les droits imprescrip