ja v e lo t, il se couche tout à coup sur son cheval, et
tourne bride. » Holà ! Ouelda Mikael, s’écrie Balgada
Aréa; comment d onc , guerrier valeureux, tu
fuis ! »
Un instant après, le chef.de la cavalerie amaréenne
tombait mort dans les bras de son fils : la balle de
Balgada Aréa lui avait traversé la poitrine. Abba
Haïlé, prévenu du combat, accourt y prendre part.
Du plus loin qu’il l’aperçoit, Balgada Aréa l’appelle,
et lui montrant son fusil : « J’ai encore une balle pour
to i,» lui dit-il. Cependant il était demeuré presque
seul; Ato Baraki, qui était à cheval, passe près de lu i,
et l’avertit que l’heure était venue de fuir. Nébrid
Ouelda Sallassé, qui se trouve environné, fait une
vaillante résistance ; en vain il appelle à son secours :
le héros de l’Enderta a bientôt disparu dans les précipices
qui avoisinent la rivière Gueba. Les fils du
nébrid restent seuls à ses c ô té s , et tombent bientôt
couverts de blessures, tandis que le vieillard, épuisé,
mais intact, est fait prisonnier. C’est qu’un horrible
spectacle se prépare et fait déjà briller une joie farouche
sur le visage des vainqueurs : Nébrid Ouelda
Sallassé, trois fois parjure à Oubié, a pillé son grain
et ses bestiaux ; il a dévasté son pays : le chef du Sé-
miène a juré de le faire écorcher v if, et de faire une
outre de sa peau.
Quand il fut amené devant Oubié, un frisson parcourut
l’assemblée, et chacun se cacha le visage, pour
ne pas rencontrer le regard du maître. Mais pendant
que tout le monde tremblait et n’osait souffler mot,
le fit-aorari Téclé s’avança au pied du trône, replia sa
toile autour des reins, e t, après s’être prosterné trois
fo is, il dit à Oubié : « Pardonnez à votre esclave d’oser
demander la grâce de ce prisonnier, qui est si coupable
envers vous; mais n’oublions pas qu’il y a quelque
temps nous étions dans la même position que
lu i, lorsqu’après la bataille de Debratabor, nous tombâmes
au pouvoir de Ras Ali. Nous aussi nous avions
gravement offensé ce chef; nous avions dévasté son
pays et pris sa femme pour la livrer au dedjaz
Beurou ; cependant il nous mit en liberté en nous
disant humblement : « Dieu m’a donné la victoire,
parce que je suis plus clément que vous. » Aujourd’hui
qu’à notre tour nous sommes vainqueurs, rappelons
nous cette leçon. »
On s’attendait à voir châtier cet imprudent donneur
de conseils; mais, au grand étonnement de tous,
Oubié répondit : « A ta demande, je fais grâce de la vie
au coupable; mais il ira terminer ses jours à l’Amba
Haye, s’il n’aime mieux me donner une rançon de cent
fu sils, trois cents vaches et cinq cents thalers,
moyennant laquelle rançon il servira comme simple
soldat dans mon armée, sans pouvoir jamais s’élever
au delà.» Nébrid Ouelda Sallassé accepta ces conditions
avec reconnaissance.
Cette grâce, de la part d’Oubié, ne fut pas regardée
comme un acte de clémence, mais comme celui d’une
profonde politique. La mort de ce vieillard, qui ne
pouvait plus être à craindre, n’aurait eu pour résultat
que de mettre à la tête de sa famille un de ses fils encore