affections aiguës ou chroniques, notamment les fièvres intermittentes.
Je n’y ai pas vu ces affections cérébrales (probablement des méningites
ou des rémittentes pernicieuses) dont on a parlé; mais peut-être
ont-elles lieu à une autre époque. La plaie de l’Yémen se montre ici
très-fréquemment, comme dans l’Arabie, et vient aggraver la plupart
des blessures. (Voir notre Mémoire spécial sur cette lésion.)
Avant de terminer ces quelques lignes sur la topographie médicale
de Messoah, je citerai la fréquence du porrigo, qui est borné au cuir
chevelu, et me semble devoir être attribué à l’usage des mauvais rasoirs
dont se servent les habitants pour se raser la tête. Du reste, ce qui me
prouve que cette dermatose tient à une cause tout extérieure, c’est la
facilité avec laquelle j’en obtenais la guérison à l’aide de lotions d’eau
de froment et d’orge, ou d’acétate de plomb opiacé. Le rapide succès
de moyens aussi simples prouve bien que l’éruption tenait uniquement
à la cause que j’ai signalée.
DES MALADIES DE L’ABYSSINIE.
Les maladies sont très-fréquentes et très-variées en Abyssinie; en
outre des diverses formes morbides, aiguës ou chroniques, communes
à nos climats, il se présente encore certaines affections propres aux
régions intertropicales, et certains états pathologiques spéciaux qui
impriment leur cachet aux maladies ordinaires, les modifient et leur
donnent une physionomie à part.
Dans tout ce qui va suivre, j’aurai surtout en vue le Tigré et sa capitale
Adoua, dans laquelle j’ai séjourné longtemps. Cette circonstance
m’a permis de voir, d’étudier à loisir et de suivre la marche, non-
seulement des maladies chez les individus, mais encore des maladies
considérées dans leur ensemble et sévissant sous la forme épidémique.
ADOUA.
Au commencement et à la fin des pluies, c est-à-dire en juillet et en
septembre, Adoua est le théâtre d’une maladie épidémique qui me paraît
être la même par sa nature, bien qu’elle ne soit pas toujours identique
d a n s ses manifestations. Voici, en quelques mots, la description des
deux épidémies dont je fus témoin aux époques précitées en 4839.
Epidémie de juillet 4839. L’humidité était alors extrême et l'hygromètre
accusait constamment, même pendant la nuit, de 90 à 94°.
La maladie débutait par du malaise, de là lassitude dans les membres
, de la faiblesse et une sorte d’inaptitude aux mouvements. Bientôt
apparaissait un coryza intense, avec larmoiement considérable et
sécrétion abondante de mucosité séreuse et ténue par les fosses nasales,
qui étaient en outre le siège d’un picotement très-vif ; un sentiment de
gêne et de constriction occupait les sinus frontaux, et l’inflammation
s ’étendait souvent à la muqueuse laryngo-pharyngée de manière à produire
des angines. Enfin, dans un bon nombre de cas, l’irritation descendait
dans les bronches et donnait lieu à un véritable catarrhe, avec
toux et expectoration muqueuse.
En même temps, ou bien quelques jours après l’apparition de ces
premiers accidents, survenait une céphalalgie très-intense, la faiblesse
générale faisait de nouveaux progrès et le malade était en proie à un
malaise inexprimable. La céphalalgie semblait occuper plus particulièrement
l’extérieur de la tête et siéger dans le cuir chevelu, car une
pression assez forte avec les mains la diminuait, l’enlevait même, comme
il arrive parfois dans les affections nerveuses. Cette douleur s’étendait
d’ordinaire aux oreilles et aux dents, qui devenaient alors d’une sensibilité
extrême.
Le pouls était en général dur, plein et vibrant, quelquefois cependant
presque normal ; cette différence dans la circulation semblait
être en rapport avec l’état de la peau, chaude et sèche dans le
premier cas, et humectée d’une légère moiteur dans le second. La langue,
jaunâtre au milieu, était large et humide; le ventre demeurait
indolent : dans certains cas il y avait des borborygmes, des envies
de vomir ; mais presque toujours les déjections étaient naturelles et
régulières.
Cette grippe, car l’état phlegmasique de la muqueuse aérienne permet
de dénommer ainsi l’épidémie dont nous parlons, cette grippe avait
pour caractères spéciaux les douleurs de tête, de dents et d’oreilles
dont nous avons parlé, et des crampes avec douleurs plus ou moins
vives dans les membres, mais plus particulièrement dans les jambes et
les épaules. C’étaient là des symptômes constants, qui non-seulement se
montraient avec la grippe proprement dite, mais qui, de plus,, compliquaient
les autres affections et leur imprimaient en quelque sorte le
cachet de la maladie régnante. Chez quelques sujets, les douleurs dont
nous parlons affectaient une forme plus ou moins régulièrement intermittente.