faire sentir toute la différence des positions, et surtout
constater qu il est bien plus facile à celui-ci qu’au
nôtre d’intéresser son gouvernement dans ses différends;
et . cette seule observation peut tracer toute la
ligne de conduite du commerce français. 11 est d’ailleurs
bien temps de battre en brèche, et de toutes les
façons, par 1 exemple et par le discours, cette opinion,
aussi fatale qu’accréditée chez nous; que là où sont les
Anglais, nous n’avons rien à faire. Dans un moment de
libre concurrence comme celui que nous procure une
des plus longues paix qui aient étendu leurs bienfaits
sur le monde, n’est-il pas puéril de descendre à
des plaintes et à des récriminations qui ne sont justifiées
par aucune tentative sérieuse?
Nous sommes partis de l’hypothèse politique la plus
défavorable, celle où l’Angleterre resterait toujours
placée comme elle l’est maintenant dans la mer Rouge.
Or, le temps peut, à cet égarjd, amener de graves changements.
Sans doute l ’occupation d’Aden était un pas
bien avancé dans la conquête commerciale du golfe
Arabique; mais il n’acquérait toute sa valeur que par
la possession simultanée de l’autre extrémité du golfe,
de Suez : car c’est peu d’être maître dans une place,
si on n’en garde toutes les issues. Mais les clauses additionnelles
de 1840, stipulées par la France, en établissant
le droit commun de toutes les nations à profiter
de l’ouverture de l’isthme, ont créé à ce nouveau
progrès des Anglais un obstacle peut-être éternel.
S ue z, entre leurs mains, n’aurait pas tardé à être
percé ; mais depuis qu’ils ont à peu près perdu tout
espoir d’en être les» possesseurs exclusifs, ils se sont
beaucoup refroidis sur l’accomplissement de cette
oeuvre en commun, et leur politique y mettra encore
une longue opposition. C’est qu’en effet, Suez rendu
praticable, tourne Aden, l’annihile, pour ainsi dire, et
met le commerce des deux mers en contact aussi intime
que leurs eaux. C’est ce que voudrait empêcher
à tout prix la politique de l’Angleterre.
D’un autre côté, l’intérêt général du commerce européen
dans les Indes, sans en excepter même le commerce
anglais, réclame impérieusement le percement
de l’isthme : or, dans les questionssurlesquelles seporte
un consensus aussi grand, les faits sont là pour prouver
que les opposants n’ont rien de mieux à faire, en définitive,
que de se ranger à l’avis général.
Cette éventualité, que nous aimons à croire prochaine,
parce qu’elle est suivant les progrès des lumières
et de la prospérité des peuples, crée une position
toute nouvelle au commerce de l’Abyssinie, et
neutralise en quelque sorte toute la supériorité de la
concurrence anglaise. Mais ce grand acte engendre encore
d’autres nécessités politiques : la mer Rouge devenant
le transit le plus considérable du monde, exige
que chaque puissance y ait une représentation de sa
force capable d’assurer la protection de ses nationaux ;
et qu’on juge alors de l’avantage que rencontrerait
celle de ces puissances qui, à ce moment, se trouverait
en pied sur la côte d’Abyssinie, et pourrait profiter
des précédents établis par son négoce.
En résumé, c’est donc avec confiance que nous ad