sistai, et l’on me donna un Taltal pour me mener le
lendemain aussi loin que je pourrais.
Le 7 ju in , dès le lever du soleil, je me mis eh marche
avec mon gu id e, et je descendis la vallée de Ficho. A
mesure que nous avancions, elle s’élargissait, et je
trouvai en plusieurs endroits des bancs d’alluvion, sur
lesquels croissent des mimoses, et divers arbustes dont
les chameaux mangent les feuilles. Une heure et demie
après avoir quitté F icho, nous arrivâmes en un point où
notre route coupait celle de Dessa : les deux font à peu
près un angle droit. Là, les montagnes s’évasent et forment
une espèce de bassin. On descend encore pendant
une h eu r e , puis la pente devient moins rapide, les
bancs d’alluvion ont plus d’étendue, les eaux se répandent
en divers sens, et la végétation est beaucoup plus
vivace. La vallée allait toujours en s’élargissant, et sur
la gauche du ruisseau régnait un riche terroir, d’un
mille environ de largeur sur deux de longueur, où
s ’élevaient de beaux sycomores et plusieurs autres
espèces d’arbres de grande dimension, inconnus en
Europe. Ces bois étaient extrêmement touffus; il me
fallut mettre pied à terre pour y pénétrer. 'Après dix
minutes de marche dans ces espèces de buissons,
nous nous trouvâmes au milieu de plantations de cotonniers
abandonnées, non loin desquelles on voyait
quelques arbres fruitiers, et derrière eux une petite
église d’architecture grecque, bâtie par des Éthiopiens,
ce que l’on reconnaissait bien vite au ciment,
qui se composait simplement d’argile délayée avec de
la paille hachée au lieu de chaux ; aussi cet édifice
n’avait pu résister à l’humidité, è t il était déjà sur le
point de s’écrouler. Près de l’église étaient les ruines
de quelques maisons bâties par Sebagadis. Une enceinte
carrée, qui pouvait avoir 50 mètres de c ô té ,
les entourait ; çà et là , à quelque distance de l’enceinte,
se dressaient encore quelques pans de murs, marquant
l'emplacement d’une ville. Sebagadis, en e ffe t, avait
voulu fonder là un entrepôt, et en même temps une
place forte pour tenir les Taltals en respect. Un grand
nombre d’agriculteurs s’y étaient transportés par ses
ordres, et, moyennant des irrigations facilitées par plusieurs
ruisseaux qui se réunissent à cet endroit, on
put faire de riches récoltes, en plus que suffisance pour
l’usage des habitants. Le commerce appelait là le s tribus
taltals et les Éthiopiens, et les enrichissait bientôt. Mais
la mort du prince vint tout à coup arrêter l’exécution
de ces grandes vues. Soit qu’à partir de ce moment les
chrétiens de cette ville, nommée Endolote, manquassent
de protection vis-à-vis des Taltals, soit à cause de
l’insalubrité du climat, la colonie fut bientôt aban-
donhée. A l’époque où nous la visitâmes, elle était déserte;
les bananiers et les grenadiers y croissaient librement
et sans maître ; leurs fruits servaient encore
à rafraîchir le marchand assez hardi pour s’écarter de
la caravane et courir le risque de rencontrer un Taltal.
Peut-être l’endroit n’eût-il pas été sûr pour nous, si,
au moment de notre arrivée à Ficho, mon chasseur
n’eût tu é , successivement, plusieurs oiseaux sur la
place du marché, avec un fusil qui se chargeait par la
culasse ; chose terrifiante pour ces gens-là, qui voyaient,