beaucoup plus sensé et plus grand lorsque, comme en
1840, elle emploie l’autorité de sa raison et de sa puissance
à traiter pour le droit des gens, c’est-à-dire la
liberté du monde.
Maintenant, pour faire l’application de ce qui précède
à notre su je t, est-il permis de croire que l’influence
anglaise combattra vigoureusement tout développement
d’un autre commerce que le sien dans la
mer Rouge? Les faits répondent, nous le croyons, affirmativement;
et il suffit, pour en juger ainsi, de voir
les efforts des Anglais, depuis les trente dernières années,
pour se créer dans ces parages des relations actives ;
efforts qui, s’ils n’ont pas été couronnés d’un plein
succès, doivent cet échec bien plus aux difficultés locales
qu’aux obstacles suscités par les tentatives rivales.
11 faut en excepter cependant la terrible concurrence
que leur éleva Méhémet A li, et dès lors ne plus s’étonner
des clauses rigoureuses pour le pacha d’Égypte introduites
dans le traité Brunow. Par une tactique très-
souvent renouvelée, les Anglais ont commencé par
s’emparer d’un point qui peut interdire l’entrée du
golfe. On a bien nommé Aden le Gibraltar de la mer
Rouge, mais un Gibraltar encore plus aride, plus stérile
et plus coûteux en hommes et en argent que celui
de la Méditerranée : ils en ont néanmoins fait une position
formidable. Plus tard, manquant absolument dè
vivres dans cette place, ils ont acheté Tedjoura sur la
côte opposée, d’où ils tirent maintenant leurs approvisionnements:
or, ce fut juste au moment le plus critique
des négociations de 1840. Mais l’Abyssinie ellemême
n’est pas de leur part l’objet d’une moindre
attention; cet établissement de Tedjoura précédait
l’ambassade au roi de Choa, et cadrait tout à fait avec
le projet d’alliance réalisé par le major Harris. S’il y a
peu à attendre des suites de ce traité, c’est que l’ambassade
a pris le' change sur les véritables dispositions
du roi de Choa, et que, d’ailleurs, le trajet d’Aliyou
Amba à Tedjoura répugnera toujours aux caravanes
abyssines, à cause du désert et des féroces tribus Adals
qu’il leur faut traverser.
Nous ne constatons ces faits que pour prémunir le
commerce français, ou tout autre qui-voudrait s’implanter
en Abyssinie, contre la véritable portée de la
rivalité qu’il aurait à soutenir. Le commerce anglais
n’y a , il est vrai, obtenu encore aucun résultat; mais on
peut assez vraisemblablement supposer qu’étant le
seul actuellement en lice, il ne se presse pas de gagner
un prix qu’il ne croit pas pouvoir lui échapper : peut-
être l’apparition d’un intrus aurait-elle pour effet immédiat
de stimuler outre mesure son activité ; et alors,
on sait ce dont il est capable.
Loin de nous néanmoins la pensée de détourner nos
négociants d’une concurrence q u i, exercée dans les
justes limites de la loyauté et des égards qu’on se doit
mutuellement entre nations civilisées, constitue le pre-r
mier principe du droit des gens; nous ne voulons que
les prévenir d’une des difficultés matériellement possibles
dans l’entreprise, afin de leur suggérer d’avance
les moyens de la combattre. Nous voulons surtout, dans
le cas de conflits sérieux avec le commerce anglais ,