guerrier timide, mais habile politique, il veut traîner
les pourparlers en longueur, et profiter de toutes les
éventualités. 11 promet cependant de faire sa jonction
à la fin des pluies, si Oubié n’est pas de retour avant
cette époque.
Nous quittons le camp d’Ouazale 15 pour remonter
sur le plateau ; revenus vis-à-vis d’Àntabat, nous tournons
à l’est, et venons camper le soir sur une petite
montagne escarpée qui borde la plaine de Saharte au
sud. Là nous dominions la ville de Sameré. Pour
la première fois les habitants refusèrent d’apporter
des vivres, et le lendemain le pillage fut accordé.
Quelle joie pour des soldats qui, depuis huit jours,
n’avaient pas mangé leur suffisance ! Mais les maisons
environnantes avaient été abandonnées la v e ille , les
troupeaux étaient disparus; néanmoins les maraudeurs
revinrent le soir chargés d’une grande quantité
de grain, et de tous les ustensiles nécessaires à
la cuisine. Je remarquai en cette circonstance la
manière prompte dont les Abyssins préparaient leurs
aliments : elle pourrait être employée utilement par
nos soldats d’Algérie. Ils font d’abord légèrement
griller leur blé sur une plaque de fer, puis le mettent
bouillir dans une chaudière avec du beurre,
s’ils en ont, un peu de sel et beaucoup de poivre : il
en résulte une espèce de potage très-nourrissant et nullement
désagréable au goût.
Toute la journée du 17 fut une procession de marchands
se rendant au marché de Sameré. D’après les
informations que je pus prendre, il paraîtrait que les
ou vriers de cette ville sont les plus habiles de toute
l’Abyssinie pour les ouvrages d’orfévrerie.
La négociation entamée avec Ato Rema se continua
les jours suivants. Les bases d’un traité furent jetées,
et le choum du Sloa commença par donner la liberté
à plusieurs prisonniers auxquels s’intéressait Aréa.
Nous levâmes le camp le 22 pour aller prendre position
daps le district de Zelkaba, qui fait encore partie
du domaine de Tchéleukot. De là nous dominions le
cours de là rivière Gueba, qui, en cet endroit, contourne
l’extrémité sud du Tembène. Le lendemain nous descendîmes
du plateau de Zelkaba vers le ravin qui conduit
la rivière de Tchéleukot, nommée Agabate, à la rivière
Gueba. De l’autre côté, nous gravîmes celui de
l’Enderta, et vînmes camper au village de Débry, sur le
bord même du ravin. Le ruisseau qui arrose ce village
se jette dans un précipice qui peut avoir 600 mètres
de profondeur, et dont le talus est taillé à pic. Le torrent,
après sa chute, va jeter ses eaux dans la rivière
Agabate.. Les environs de Débry ne sont formés que de
précipices et de fourrés épais ; on y trouve aussi plusieurs
cavernes dans lesquelles Balgada Aréa s’était
ménagé des retraites en cas de revers, et avait fait
porter des provisions : c’est dans ce pays que les bandes
de Guébra Rafaël avaient pu résister pendant plusieurs
années aux forces d’Oubié.
Le 2 5 , les troupes du Tembène retournèrent dans
leurs foyers pour célébrer les fêtes de Pâques, ce qui
enleva une grande partie de l’armée. Aréa vint poser
son camp à Dehane, situé à deux lieues à l’est