Cependant il vint le lendemain matin nous prévenir
qu il ne pouvait laisser passer aucun étranger à la frontière
sans un ordre du roi; mais que, si nous voulions
rédiger une demande, il la ferait partir le jour même
pour Angolola, résidence de Sa Majesté. Nous nous hâtâmes
d obéir à cette formalité, et le choum désigna un
homme de corvée pour la porter jusqu’à la frontière
du district, où un autre courrier devait la prendre, et
ainsi, de district en district, jusqu’à Angolola. Ces hommes
de poste, voyageant pour le service du roi, n’ont
d’autre solde que la satisfaction d’être agréables à Sa
Majesté, ce q u i, le plus souvent, est une solde négative,
à en juger par la triste mine que nous fit le
porteur de notre lettre. Nous lûmes dans ses yeux le
désir de nous être nuisible; c’est pourquoi nous fîmes
étalage devant lui de nos sacs à collections, et de tout
ce qui pouvait nous donner l’apparence de gens riches ;
prévoyant bien qu’il ne manquerait pas d’en répandre
la nouvelle, qui, en passant par les pays intermédiaires,
arriverait encore grossie aux oreilles de la cour. Nous
n en aurions que plus de chances d’admission; Sahelé
Sallassé ne nous en accueillerait que mieux, ne fût-ce
que dans la charitable intention d’alléger nos bagages,
et de nous congédier aussitôt après, comme il l’avait
fait des Anglais. Nous ne risquions qu’une seule chose
à ce jeu; c’était de nous attirer l’animadversion du
peuple, si tant est qu’il y ait un peuple dans le Choa.
Mais nous courions aussi le risque que les choums de
districts n’interceptassent notre missive, trouvant plus
avantageux de nous dévaliser de lèurs propres mains ;
et en prévoyance du cas, nous fîmes partir en secret un
second messager, choisi parmi nos g en s, et qui se
glisserait avec les marchands, ou se donnerait comme
un habitant du pays. A ce lu i-c i, nous confiâmes deux
lettres, une pour le roi et l’autre pour M. Rochet, un
compatriote qui se trouvait alors à la cour de Sahelé
Sallassé, et y avait acquis une grande influence en
faisant quelques opérations chimiques : il avait d’ailleurs
donné au roi des soieries et d’autres objets d’une
valeur assez considérable ; ce dont Sa Majesté se montrait
reconnaissante, en comblant le voyageur français
de toutes sortes de prévenances. En attendant une
réponse, le chef de Yassani nous conduisit à une autre
station, à deux milles plus au sud, au village de Cas-
sebié. Il est situé sur le bord du plateau de Guemza,
qui se détache de la grande chaîne et en est séparé par
une profonde coupure; du côté opposé se déploie une
partie de la vallée Ouaré Kallo, qui se nomme Ghafa : ses
habitants parlent à la fois l’amaréen et le galla. Leur
chef, Ali Chafi, reconnaît l’autorité du roi de Choa et lui
paie un tribut. La maison qu’on nous offrit à Cassebié
était tellement incommode, étroite et humide, que nous
la laissâmes pour notre tente. Ce défaut est commun à
toutes les maisons du Choa : les habitants eux-mêmes
ont de la répugnance à y demeurer, et ils préfèrent souvent
rester assis au dehors, même par une pluie battante.
Le docteur de l’ambassade anglaise avait sans
doute grandement contribué à répandre la renommée
de la médecine européenne , car M. Petit fut assailli
de demandes de médicaments. Les malades se pré-
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