jusqu’au port de construction, qui contenait alors
un grand nombre de barques et un bâtiment à vapeur
en réparation ; plusieurs grandes barques
étaient sur les chantiers. La ville est entourée de la
même enceinte qui existait lorsqu’y vinrent les Français.
On sait qu’à cette époque ce port était un des
plus riches de l’Égypte : les événements politiques
causèrent sa p e r te , comme aujourd’hui ils paraissent
devoir lui donner une nouvelle splendeur. De tous côtés
on fait de nouvelles constructions sur l’emplacement
des ruines ; chaque jour de nouveaux négociants viennent
s’y établir.
Nous fûmes reçus par M. Nicolas Costa, riche négociant
et agent consulaire français. Pendant deux jours
que nous passâmes chez lu i , il nous combla de politesses,
et répondit à toutes mes demandes de renseignements
sur le commerce de la mer Rouge et celui de
la côte orientale d’Afrique. N u l, d’ailleurs, n’était
mieux placé que lui pour les fournir exacts ; car plusieurs
de ses bâtiments naviguaient dans ces parages.
Cependant il ne voyait pas sans inquiétude ni jalousie
les Européens porter leurs regards sur Brava et la partie
de la côte qu’on appelle Soahel.
En passant dans la cour de sa maison, j’aperçus par
hasard dans un coin un sac sur lequel était écrit le
nom de M. Vignaud. J’en demandai aussitôt l’explication
à mon hôte, qui me parut fort surpris de l’importance
que je semblais y attacher. 11 me dit que M. Dé-
goutin, à son passage à S uez, avait jeté dans sa cour
quelques caisses et ce sac disant que cela ne valait
pas grand’chose ; mais que quelques jours après un domestique
lui ayant dit que c’était la propriété d’un
voyageur français, mort à Djeddah, il avait lui, M. Costa,
expédié les caisses au consulat du Caire, et était sur
le point d’y envoyer le sa c , à ses frais. Je remerciai
notre consul, et lui dis que je me chargerais de la commission.
Nous touchions aux portes du Caire , lorsque nous
fûmes surpris par une pluie diluvienne ; en quelques
minutes le terrain se trouva détrempé au point d’empêcher
nos chameaux de faire un pas, ce qui nous obligea
à dresser nos tentes ; mais j ’en laissai la garde à
Maderakal et rentrai seul en ville. J’eus les plus grandes
difficultés du monde à parvenir dans le quartier
franc, où l’eau s’élevait jusqu’à 1 mètre de hauteur.
Sitôt qu’il pleut au Caire la circulation est presque interdite.
J’allai demander un laisser-passer à notre consul
pour mes bagages, et le lendemain ils entrèrent en
franchise. Grâce à l’énergie de Maderakal, ils n’avaient
aucunement souffert de la pluie ; mon Abyssin avait
menacé les chameliers du javelot s’ils ne recouvraient
de leurs burnous les collections d’histoire naturelle. Je
retrouvai aussi entre les mains du consul une partie du
bagage scientifique de M. Yignaud.
Sitôt qu’il connut mon arrivée, le fidèle Ouend
Ouassan vint me faire une visite. Depuis la mort de
M. Yignaud, le malheureux avait éprouvé bien des
traverses. M. Dégoutin l’avait décidé à l’accompagner
jusqu’au Caire, par la promesse de lui faire payer ses
gages au consulat. A Tor les vents contraires détermi