je profitai de cette halte pour dessiner une vue générale
de la vallée Azebo, que l’on apercevait du point
où nous étions dans toute son éten due, depuis sa
naissance à la frontière du Ouodgérate jusqu’à son débouché
dans le pays d’Adal. Arrivés au plateau qui
est au bas d’Abouéye Méda, il nous restait environ
350 mètres à gravir pour arriver à la crête. Nous
étions dans la région des Djibaroua; toute végétation
d’arbres avait disparu; le baromètre donnait
505mm, le thermomètre 10°. En une demi-heure nous
nous étions élevés à la moitié de la hauteur : nous rencontrions
tout le long de notre route des morceaux de
glace épais de deux pouces. Un de ces phénomènes
géologiques si fréquents dans les terrains de l’Abyssi-
nie se présenta à nos yeux ; c’était une muraille d’une
longue étendue, d’un mètre de hauteur sur soixante
centimètres de largeur, qui n’était autre chose qu’un
filon basaltique. En contournant la crête , nous arrivâmes
à une brisure profonde du plateau qui formait
une vallée débouchant à l’ou est, dans laquelle sont les
deux principaux jets des sources du Taccazé. On nous
dit que l’un d’eux donne de l’eau chaude. Jusqu’ici
notre direction générale avait été au sud 10° est. A
partir de là nous allâmes à l’est, et quelques moments
après nous commençâmes à descendre l’Abouéye Méda
du côté de l ’Angote. Le sentier était tellement étroit et
rapide, que bien que nos gens nous conseillassent de
laisser nos montures, nous préférâmes y rester parce
que leurs pieds étaient certainement plus sûrs que
les nôtres.
Le jour tombait lorsque nous arrivâmes au village de
TseraGuedel, sur le premier gradin de la montagne;
en la descendant inférieurement, on aperçoit plusieurs
vallées profondes qui paraissent riches en culture.
Leur situation est en effet des plus favorables :
une poignée d’hommes n’y craindrait pas les attaques
des maraudeurs qu’il leur serait toujours facile de rejeter
dans les ra v in s, rien qu’en laissant tomber sur
eux quelques pierres. Les hameaux et les villages sont
bâtis sur des plates-formes étroites, en haut de pentes
abruptes, souvent inabordables quoiqu’elles soient
taillées en escalier.
Nous nous dirigeâmes vers les premières maisons du
village de Tsera Guedel, sans nous inquiéter si elles
étaient les meilleures et les plus hospitalières, car
nous étions trop gelés et trop fatigués pour choisir.
A peine fûmes-nous arrivés à la porte de l’une d’elles
que nos gens déchargèrent nos mules et y entrèrent,
sans trop de cérémonie, exigeant plutôt que demandant
l’hospitalité. Mais le maître du logis, peu favorablement
disposé par les guerres récentes de Ras Ali, protesta
contre des formes aussi impératives, et déclara
qu’il ne nous recevrait pas chez lui. Ce disant, il prit
sa lanc e, mouvement qui fut imité par trois ou quatre
jeunes gens , ses fils et ses parents. Sans doute c était
montrer beaucoup d’audace à l’encontre d’une trentaine
d’hommes, dont quelques-uns avaient des fusils ;
aussi nos gens ne se seraient-ils pas arrêtés à cette
difficulté ; mais comme le droit n’était pas pour nous,
je donnai l’ordre de n’engager aucune querelle, et de