succès ; car ces produits seraient dès l’abord dépréc
ié s , suivant toute probabilité. L’objet capital d’un
pareil commerce est l’exportation, et, dans l’origine,
on doit bien plus s’attacher à prendre de l’Abyssinie
qu’à lui apporter. Si jamais l’importation devient
considérable, ce ne pourra être évidemment que par
l’action assez longue de relations continues.
Cette raison vient à l’appui de beaucoup d’autres qui
obligeraient à choisir Messoah pour siège du comptoir.
Tous les marchands abyssins en connaissent la
route; Messoah est le pivot des échanges actuels de
toute l’Abyssinie; c’est d’ailleurs le meilleur port de
la côte : la rade peut recevoir les plus grands vaisseaux.
Il est enfin le centre commercial de l’archipel d’Halac.
Sans doute il est d’autres points favorables à divers titres
pour l’établissement d’un comptoir, et où l’on aurait
en outre l’avantage d’éviter la douane turque. Eïde, par
exemple, récemment achetée dans ce but par la compagnie
Nanto-Bordelaise, serait susceptible d’acquérir de
l ’importance ; mais il faudrait ouvrir une route nouvelle,
et attendre que les marchands s’y soient accoutumés.
D’ailleurs, dans le principe, Eïde ne saurait se passer
de la présence d’une force armée ou d’une protection efficace
contre les tribus du littoral. On n’aura pas cette
chance à courir à Messoah.
C’est à Messoah, nous l’avons vu, que se rendent les
négociants des grandes caravanes. Le comptoir fera
donc là les ventes et les achats : mais des agents répandus
dans l’intérieur de l’Abyssinie devront en traiter
et informer le comptoir des articles en faveur sur les
marchés. Nous expliquerons tout à l’heure le rôle de
ces agents.
Le comptoir doit avoir un caissier général ayant la
responsabilité de tous les fonds employés en Abyssinie,
et un résident à Messoah, uniquement chargé des transactions
commerciales : celui-ci devra parler arabe.
Un agent principal doit résider à Gondar, le centre
commercial de toute l’Abyssinie : c’est lui qui fera diriger
les marchandises vers le comptoir, en se rendant,
lui, ou d’autres agents placés sous ses ordres, aux lieux
de production, et en donnant sa garantie pour l’expédition
des marchandises. Car tout est là : faire affluer
au comptoir, des divers endroits du pays, les négociants
avec leurs produits. C’est plus difficile qu’on ne pense
au premier abord : les Abyssins sont très-méfiants, et
il faudra quelque temps d’épreuve pour leur donner la
certitude morale d’avoir leur marchandise vendue avant
qu’elle soit transportée à la mer.
On voit que ces mesures ont pour but d’éviter les
achats sur place. Ce serait en effet le pis qu’on puisse
imaginer, pour deux raisons; la première et la plus impérieuse,
c’est qu’il faudrait faire le transport à ses risques
et périls, et que d’ailleurs, on aurait toujours le
désavantage, soit pour le coût, soit pour la célérité, sur
les gens du pays, habitués à ces voyages ; la deuxième,
c’est que les marchands se montrent plus exigeants et
plus difficiles chez eux qu’à Messoah, où ils sont un
peu dépaysés, et ne redoutent rien tant d’ailleurs que
de s’en revenir avec leurs marchandises. Aussi les voit-
on déployer à Messoah une patience admirable avec les