Aouzapar une pente douce. Nous traversâmes le ruisseau
de Ouabi, et vînmes par une rude descente dans
la plaine de Berki ; puis nous passâmes le ruisseau
d’Agoula, et montâmes sur le plateau de même nom. De
l’autre côté, à une lieue et demie environ, était Aouza :
sur l’ordre de Balgada Aréa, une maison m’y fut
fournie, et on nous apporta aussi des vivres et de l’hydromel
en abondance. A la suite de quelques libations,
une querelle s’éleva entre mes domestiques et mes
h ôtes, et ceux-ci appelèrent plusieurs voisins à leur
aide. J’avais alors douze hommes; ils eurent bientôt
toute la population sur les bras, et trois d’entre eux furent
grièvement blessés avant que j’eusse réussi à les
faire rentrer, au risque de recevoir moi-même les
pierres et les lances qui pleuvaient de tous côtés : il
est vrai que mon écuyer parait de son bouclier les coups
qui m’étaient adressés. Comme nous étions complètement
entourés, et que plusieurs des assaillants étaient
montés sur les toits, je regarde encore comme un miracle
que nous n’ayons pas été écharpés. Aussitôt rentrés,
et les portes fermées, nous eûmes un véritable
siège à soutenir : on nous lançait d’énormes pierres.
Un de mes blessés q u i, furieux, voulait retourner au
combat , s’empara d’un fusil, et avant que j’eusse pu
m’y opposer, tira à travers une fente de la porte ; fort
heureusement il ne blessa personne, car si ce malheur
fût arrivé, c’en était certainement fait de nous. La rage
des habitants était à son comble, mais nous fûmes tirés
de ce mauvais pas par Ayéa, q u i, dès qu’il en fut
prévenu, envoya immédiatemént à notre secours. Des
juges furent choisis pour vider la querelle, et le jugement
fut remis au lendemain. Bien qu’il fût à peu près
évident que mes gens avaient été les agresseurs, notre
hôte fut déclaré coupable pour avoir violé les lois de
l’hospitalité, et condamné à nous payer, à titre de dom-
mâges-intérêts, deux moutons, deux pots de m ie l,
quatre jattes de lait. Il dut en outre fournir une quantité
spécifiée de beurre pour toutes les contusions et
blessures des Abyssins '.
Nous quittâmes Aouza le 21 mai; nous descendîmes
le cours de la rivière Guenfel, qui descend des montagnes
de l’Agamé et ne tarit jamais. Au-dessous d’Aouza
ses bords sont garnis de roseaux, de saules et d’oliviers;
son lit est resserré entre deux chaînes d’environ
30 mètres de hauteur, formées d’un calcaire où l ’on
trouve plusieurs fossiles du terrain jurassique. L’intervalle
entre le ruisseau et les montagnes est rempli de
verdure. Nous vînmes faire halte au village de Gueuza,
dans un endroit ou la vallee s ’élargit. Le lendemain,
nous suivîmes toujours le courant du Guenfel, dont les
bords finirent par s ’encaisser de manière à former un
ravin abrupt. Nous fumes obligés de les abandonner
pour gravir le talus de la rive droite ; une demi-heure
après nous le reprîmes jusqu’au point de jonction du
Guenfel avec le Selheu. Nous avions atteint le pied
d’une montagne de grès qui surplombe la rivière d’environ
2 0 0 mètres. L’armée de Balgada Aréa m’y avait
précédé, et se préparait à faire le siège de la forteresse
Le beurre fondu est le remède des contusions.
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