Le 1 5 , nous naviguâmes encore dans les île s , et le
soir nous jetâmes l’ancre près d’un îlot qui est à la bordure
de l’archipel, nous préparant à traverser le canal.
Le 16 août, nous fîmes cette traversée avec une faible
brise de N. 0 . et nous marchâmes à l’E. Lorsque
nous atterrîmes, j’eus lieu de remarquer que notre chemin
n’avait pas été soumis à l’influence des courants.
Au bout de trente h eu res, nous découvrîmes la terre,
et mîmes le cap au N. N. E. A une heure de l’après-
m id i, le 1 7 , nous traversâmes un passage fort étroit,
au milieu d’écueils si multipliés, qu’il nous fallait
en quelque sorte y serpenter comme dans un labyrinthe.
Quand nous eûmes franchi cette passe, noüs
vîmes distinctement les montagnes qui forment le plateau
d’Arabie, quoiqu’elles fussent alors à plus de
vingt lieues; mais nous n’apercevions pas encore les
terres basses qui forment le rivage. Nous ne jetâmes
l ’ancre qu’à cinq heures du soir : nous étions à un demi-
mille de la côte, par trois brasses de fon d , dans un
endroit nommé Ichara. Le bord de la côte était garni
d’arbrisseaux marins en fleur : faute de bateau, j ’allai
à la nage jusqu’à terre pour en prendre.
Le lendemain 19 août, la hrise d’E. S. E. succéda à
celle de N. 0 . , et nous mouillâmes le soir dans la
baie de Gassa, au fond de laquelle est un village
Bédouin, où les barques arabes s’approvisionnent d’eau,
de nattes en feuilles de palmier doum, et de feuilles
de cet arbre qui leur servent à faire des cordes. C’est
aussi avec cette feuille que se font les sacs pour renfermer
les dattes.
Les habitants de Gassa ont des troupeaux, mais ils
ne vendent pas de lait, quelque prix qu’on leur en
offre. On trouve à leur acheter des chameaux à raison
de treize thalers, des vaches à raison de trois tha-
lers , des chèvres pour dix piastres de Turquie (2 fr.
50 cent.). Le poisson s’y vend aussi à très-bas prix.
Le 20 nous appareillâmes avec une petite brise
de terre, qui passa au N. 0 . après le lever du soleil ;
nous louvoyâmes jusqu’à quatre heures de 1 après-
midi , et vînmes jeter l’ancre dans une baie bien abritée.
Nous recommençâmes la même manoeuvre le lendemain,
avec la même brise.
Le 2 2 , nous eûmes une brise de S. 0 . qui nous
poussa avec rapidité jusqu’au port de Confoudah- Il y
avait douze barques au mouillage ; cependant l’activité
commerciale paraissait avoir beaucoup diminué
depuis le départ des troupes deMéhémet Ali. La garnison
égyptienne avait été remplacée par de vieux
Arnaoutes que leurs infirmités et le manque d’argent
mettaient hors d état de retourner dans leur patrie. Ils
passaient leur vie à fumer devant la porte d’un café,
nonchalamment assis avec leur arsenal suspendu à leur
ceinture de cuir, et n’ayant à causer que de l’achat de
quelques esclaves nouvellement arrivés, ou de l’époque
douteuse du paiement de leur solde arriérée. Plusieurs
de ces Arnaoutes ont vieilli dans cette attente,
et sont, en général, de pauvres ruines qui seraient
incapables d’une guerre active avec des gens
comme les Arabes montagnards. On voit de temps à
autre passer ceux-ci sur la place du marché avec leurs