temps. Il la reçut avec reconnaissance, et chargea
aussitôt l’un de ses serviteurs de la porter chez Oizoro
Urite, probablement la dame de ses pensées.
Nous quittâmes Laie le lendemain à sept heures du
matin. Le thermomètre marquait —|—6°, et le terrain était
couvert de gelée blanche : les bruyères que nous rencontrions
en abondance nous indiquaient un niveau
de plus de 3 000 mètres. J’ai rarement éprouvé une
sensation de froid plus v iv e , et je ne saurais en expliquer
la cause.
La montagne de Late se termine à l’ouest en un promontoire
avancé dans le bassin du Lasta; l’extrémité
en est garnie de deux pitons qui laissent entre eux un
passage appelé Tabab Beuré. Ce défilé conduit à la
pente opposée, et comme c’est le seul chemin praticable,
on y a établi un poste de douane, qui nous
laissa passer librement, mais par une extrême faveur;
car on croyait nos mules chargées de choses précieuses
: elles l’étaient de papier botanique. La nmntagne
se nomme Dafate; elle donne son nom à un grand
district, qui appartient encore au territoire des
Agâos.
Nous poursuivîmes notre route au sud \ 7° est. Nous
aperçûmés pendant quelque temps la plaine Raya, à
l’est de laquelle nous voyions, dans un grand éloignem
en t, quelques sommets élevés d’une chaîne qui
ne doit pas être très - distante de la mer. En fa c e ,
nous avions les hautes montagnes où le Taccazé
prend sa source, et parmi les pics qui s’élevaient
çà et là comme des pyramides, nous distinguions
celui d’Abouna Iouseph, au pied duquel est un monastère.
Comme on a pu s’en apercevoir, depuis le Ouodgé-
ratela chaîne éthiopienne est interrompue par des coupures
parallèles, qui courent est et ouest, et conduisent
leurs eaux au Taccazé. Mais à partir du lac Achan-
gui jusqu’à l’Angote, les bassins formés par ces coupures
sont garnis de collines basses et ne laissent
aucune partie plane, ce qui rend les chemins fort difficiles.
D é p lu s , les déprédations des soldats ayant empêché
la culture, il nous fallait passer au milieu d’une
multitude d’arbres épineux. Nous rencontrions peu
d’habitants : après Jes dévastations de ces deux années
et la captivité des ch e fs, la circulation avait été interrompue,
et personne n’osait s’écarter de sa demeure.
Entre la montagne de Dafate et celle de Cobate coule la
rivière Inalkaqui se réunit au Tellaré, l’un des affluents
du Taccazé ; cette rivière forme la séparation de l’Agâo
avec le ¡Lasta proprement dit, quoique l’on désigne
sous ce dernier nom le territoire compris depuis le
Ouodgérate et le Sloa jusqu’au pays Yedjou.
Nous entrâmes bientôt dans le district de Cobate,
et à quatre heures nous vînmes demander l’hospitalité
dans un village qui se trouve sur une découpure de la
montagne, dans une position qui n’est abordable que
par un seul point. Au nord de ce village se trouve un
profond ravin très-boisé, et à mi-pente est l’église de
Djemado, taillée dans le roc, et fort célèbre par l’élégance
de sa construction. La difficulté du chemin et
notre état de santé nous empêchèrent l’un et l’autre