de la maison, on pouvait juger de quelle considération
il jouissait auprès du beau sexe. Du reste, les
femmes de ce pays sont faites pour inspirer de vifs désirs
: belles, avec des formes admirables, on n’aurait
à leur reprocher qu’une certaine dureté dans le
regard qui le fait ressembler à celui des bêtes fauves.
Sans doute notre qualité d’Européens et la hardiesse
avec laquelle nous nous étions aventurés dans
son pays, donnaient à ce peuple barbare une haute opinion
de notre courage; car les jeunes filles paraissaient
heureuses de nous servir. 11 faut noter ici que les
femmes du pays chrétien ont peur des Européens au
premier abord, et sont loin de leur témoigner la même
sympathie qu’à leurs compatriotes.
On n eut pas besoin de nous réveiller pour faire
nos préparatifs de départ; car nous n’avions pu fermer
1 oeil de la nuit, en proie que nous étions à la plus effroyable
quantité de punaises qu’on puisse imaginer :
en quelques instants, nous fûmes couverts de boursouflures
et force nous fut de rallumer la lumière et de
passer la nuit sur une chaise; car il ne fallait pas songer
a une promenade nocturne à travers champs : si nous
eussions évité le couteau des Gallas, nous n’eps-
sions certes pas échappé à la dent de l’hyène ou de
la panthère.
Le jour seul termina notre supplice. Notre hôte nous
donna à déjeuner, et envoya chercher les cavaliers
qui devaient nous servir d’escorte. Aussitôt que tout
notre monde fut réu n i, nous nous mîmes en route : il
était sept heures du matin. Nous formions une troupe
de trente cavaliers et de cent piétons à peu près. Nous
suivîmes d’abord plusieurs de ces allées de kolkoals
qui séparaient des champs de maïs et de thef; mais
bientôt nous eûmes à traverser ce que les Anglais appellent
dans l ’Inde des jungles. Là se trouvaient toutes
les variétés d’acacias et plusieurs espèces de térébin-
thes; le sycomore déployait aussi son ombrage majestueux.
Après une demi-heure de course dans ces jung
les, nous étions sur le territoire d’un village allié
d’Edda Moheny, nommé Ouaré Ouayô. En sortant de ce
territoire, nous fûmes obligés de descendre de cheval
pour passer un fourré très-épais, où les branches s’en-
tre-croisaient tellement, que nos montures, sans cavaliers
, avaient grand’peine à passer. Nous continuâmes
à marcher pendant un quart d’heure, et il
pouvait être environ neuf heures et demie, quand
nous aperçûmes une vaste prairie limitée par un bois
étendu , que l’on me dit être habité par les lions. De
temps à autre, nous rëncontrions aussi sur le chemin
des traces d’éléphant. Nous prîmes un instant le galop
pour nous rapprocher du bois; toutefois, à une certaine
distance, nous avançâmes avec précaution. Notre
chasse aurait pu s’ouvrir d’une manière brillante, car
une troupe de sept éléphants passa très-près de nous ;
malheureusement le calibre de nos fusils était trop
faible, et le pays trop plat, pour exposer les piétons qui
nous accompagnaient à la fureur de ces redoutables
animaux. Les mêmes risques n’existaient pas pour eux
dans la chasse au lion : celui-ci ne s’acharne qu’au cheval,
et c’est même un moyen de salut pour le cavalier