Le 25, nous traversâmes le Taccazé, dont le gué était
praticable, quoique la veille encore il fût profond de
deux mètres ; mais sa pente est ici tellement rapide,
qu il suffit de quelqués heures pour écouler les eaux.
Le thermomètre, qui marquait 1 4° sur le plateau de
Maye Aïni, monta jusqu a 25° au bord de la rivière.
Des vapeurs épaisses s’élevaient alors des herbes qui
croissent à la lisière, et je dus à leur influence une
fièvre assez forte qui me prit tout à coup, et à laquelle
je n échappai qu en me séparant de la caravane pour
gagner au plus tôt les hautes terres.
Aussitôt arrivé à Maye Temekate, sur le plateau opposé
à celui de Maye Aïni, je fis mes adieux à Agâo
Derès, et me dirigeai vers Axoum. Depuis Maye Temekate
jusqu au péage de la douane, le pays a nom Adde
Enketo. Je voyais à petite distance, à gauche, la ville
appelée Daga Chaâ, à droite Dabba Mokharès et Adde
Zemate Reda, toutes deux adossées à des monts volcaniques.
Ces monts font partie d’une chaîne de collines
parallèle au ravin du Taccazé.
Entre ces collines et la chaîne de Koyeta est la
grande plaine du Chiré, dont j ’ai parlé plusieurs fois.
Je la traversai rapidement, malgré le détour auquel
m’obligea la rivière profondément encaissée de Maye
Temekate : je couchai le soir à Addi Gueddade.
Le 26 juin, je pris par les collines qui sont en face
du village de Belasse, et passant successivement par
les pays de Seleuloah, Acabsiré, MayeTchout, j ’arrivai
vers la fin de la journée à Axoum.
Un violent orage venait de commencer, et j ’espérais
trouver bientôt un logis moyennant sa la ire,
sinon par hospitalité; mais je me ressentis de la
désolation générale : toutes les maisons étaient remplies
des soldats d’Oubié, envoyés pour lever l’impôt
des grains et chercher les armes enfouies par les
rebelles.
J avais donné ma tente à garder, et je courais grand
risque de coucher à la pluie, lorsque l’idée me vint de
tenter une ascension au village de Beit Pentaléone,
dont les maisons, pour la plupart en ruines, avaient
été désertées seulement depuis quelques jours. Au
milieu des débris, nous trouvâmes de la paille pour
nos mules et du bois pour faire du feu, ce dont nous
avions le plus grand besoin. Je m’endormis bientôt,
laissant mes gens à toute l’horreur des mauvais génies
qui, selon eux, habitent inévitablement les maisons
abandonnées.
Le 28, j ’entrai à Adoua, où je reçus bientôt les félicitations
de mes amis et leurs compliments de condoléance.
Je m’informai de M. Vignaud : il avait en effet
quitté Messoah depuis deux m o is , faisant route pour
Soakim. Il avait laissé une lettre pour moi à M. de Ja-
cobis, et il me fallut, malgré toute mon impatience,
attendre le retour de notre préfet apostolique, qui était
allé porter à Oubié des présents envoyés à ce prince
par le roi de Naples.
On s’entretenait beaucoup à Adoua du second renvoi
des missionnaires protestants, MM. Esimberg et Craft;
quelques personnes vantaient leur générosité et la noblesse
de leur caractère ; d’autres voyaient avec plaisir