ment d’un pays : la veille de Pâques, il lui envoya le
costume et les armes des grands guerriers, pour le
récompenser de la valeur qu’il avait déployée dans la
dernière guerre. Ce présent se composait d’une toile à
bordure, que les principaux officiers ont seuls le droit
de porter, d’une peau de panthère noire, d’un bouclier
à plaque d’argent, d’un bandeau de cuir, au-devant duquel
était fixée une baguette d’argent d’où pendaient
plusieurs chaînettes qui tombaient sur le visage : les
parties latérales de ce bandeau étaient aussi garnies
de deux bandes de cuir, longues d’environ un mètre.
Pour faire honneur à ses hôtes et remercier le roi de
ses libéralités, M. Rochet parut le lendemain avec ce
costume aux fêtes de la cour.
Nous entrâmes sans attendre dans la salle du trône,
où les tables étaient dressées pour un festin. Il ne régnait
point ici la dignité et le bon goût de la cour d’Ou-
b ié , quoiqu’il y eût plus de richesse; le trône, au
lieu d’être placé au milieu de la sa lle , occupait une
alcôve pratiquée dans un des côtés; et quoiqu’il fût orné
d’une profusion de soieries et de velours brochés d’argent
et de tapis de Perse, le tout était arrangé si platement,
qu’on l’eût plutôt pris pour une boutique de
carnaval que pour un siège royal.
On introduisit en même temps que nous le clergé
des cinq églises d’Ankober; il se plaça sur deux rangs
en face du r o i, et ne tarda pas à entonner une hymne
en son honneur : ainsi que d’habitude, le tambourin
accompagnait le chant. Après le chapitre de la première
église arrivèrent successivement ceux des quatre autrès,
qui l’imitèrent en tout. On se mit ensuite à table,
et les cérémonies dont nous avions été témoins dans le
Tigré se répétèrent ic i , moins toutefois la musique
barbare des timbales et des trompettes, ce qui ne fut
l’objet d’aucun de nos regrets.
Le lendemain de Pâques, nous fîmes demander le
congé du roi pour retourner dans le Tigré : il nous fit
répondre qu’en arrivant à Angolola il nous donnerait
des guides qui nous feraient traverser en sûreté les
pays gallas. M. Rochet commençait à s’inquiéter sérieusement
de l’issue de ses sollicitations; car Sahelé
Sallassé lui donnait toujours le change par de nouvelles
offres de pays à gouverner; il alla même jusqu’à
y ajouter une femme; mais cela ne faisait pas le
compte de notre compatriote. Le roi devait quitter
Ankober le 7 m a i, et nous comptions partir avec lui.
Le 1er, j’ouïs dire que l’affaire du traité était enfin résolue.
En effet, le roi nous fit appeler pour nous interroger
à cet égard, et je crus apercevoir qu’il était
très-affligé du traité conclu avec l’Angleterre. Il l’avait
signé sans en comprendre la portée, avec la ferme intention
de le rompre sur tous les points qui lui seraient
désavantageux. Je l’engageai au contraire à en observer
strictement les clauses, l’assurant que la mauvaise foi
pouvait lui attirer de grands malheurs. Mais je l’exhortai
pareillement à diminuer ses motifs de crainte en
concédant à toutes les nations qui lui en feraient la demande,
les mêmes avantages qu’il avait accordés aux
Anglais. «Ce sera peut-être, lui d is-je , le meilleur
moyen de vous préserver de tout envahissement, parce