Le 3 0 , le vent devint plus faible, et nous permit
de louvoyer à petites journées : chaque soir, nous jetâmes
l ’ancre à l’abri des récifs, et jusqu’au 7 septembre,
nous pûmes faire ainsi 15 à 16 lieues.
Nous étions encore à 5 lieues de Djeddah, lorsque
l’ennui et la fatigue d’être accroupi depuis un mois
dans une mauvaise barque, où je pouvais à peine allonger
les jambes, me décidèrent à débarquer pour faire
le reste de la route à pied. Un matelot consentit à me
servir de guide, et mon jeune Abyssin m’accompagna
aussi. Pendant deux heures, je marchai intrépidement
sur un sol sablonneux, et tellement chaud
qu’on ne pouvait y appliquer la main. Je parvins cependant
à moitié route, mais je tombai alors épuisé de
soif et de fatigue. Ce fut en vain que mon guide me fit
observer que le pays était dangereux : deux fois j ’essayai
de reprendre la marche, et deux fois mes jambes
s’affaissèrent. Le guide m’avait dit qu’il serait obligé
de m’abandonner si je ne me sentais pas la force de continuer,
et mes menaces l’avaient seules retenu; mais ,
profitant d’un moment où je ne le surveillais p as, il prit
tout d’un coup sa course. Notre position fût devenue
mauvaise si nous eussions été obligés de passer la nuit
au milieu de ce désert fréquenté uniquement par des
Arabes fanatiques, qui n’auraient pas manqué de nous
égorger, en notre qualité de chrétiens. Mon Abyssin
avait compris la chose aussi vite que moi, e t, sans
attendre mon ordre, il avait saisi ma lanc e, et s’était
mis à la poursuite du traître qui nous abandonnait
ainsi. Pendant dix minutes, je le perdis de vue.
Enfin je le vis revenir, poussant devant lui le fugitif
qu’il maintenait en respect. Tous deux n’en pouvaient
plus ; mais cette course n’avait pas été in u tile , et ils
revenaient, pleins de joie, m’annoncer la découverte
qu’ils avaient faite d’un troupeau de chameaux et de
quelques tentes. «Nous allons trouver de 1 eau, me dit
le guide, et certainement aussi, des chameaux qui nous
transporteront ce soir à Djeddah, si vous avez sur
vous quelque argent pour les payer.» Il nroffrit alors
son bras pour m’aider à marcher jusqu’à ce que nous
fussions en vue du village. Arrivés là , nous ne tardâmes
pas à conclure l’affaire au gre de nos espérances,
ce qui coûta toutefois a notre guide un grave
mensonge, qu’il me fil payer cinq piastres : il avait juré
par Mahomet que j’étais un pèlerin se rendant à la
Mecque, et non un infidèle, comme paraissaient le croire
les Arabes q u i, dans ce Cas, m eussent certainement
refusé leurs chameaux.
Quand nous fûmes montés sur nos b e te s , nous
eûmes quelques instants de satisfaction en pensant
que nous étions désormais assurés d’atteindre le port;
mais à mesure que nous étions rassurés de la crainte
de passer la nuit dans le désert, les inconvénients de
notre nouvelle position sur ces chameaux sans selle
se faisaient sentir : tous nos membres furent bientôt
disloqués, notre corps ne forma bientôt qu une plaie.
Que de regrets alors donnés à cette barque, objet
de ma malédiction tout un mois durant.
11 était nuit lorsque nous arrivâmes auprès des murs
de la ville; les portes étant fermées , nous dûmes cou