commettre un acte d’hostilité contre ses hôtes. 11 vous
faudra donc profiter du moment où les habitants seront
à leurs champs, pour lever le camp, et partir sans
bruit. » Nous le remerciâmes de son avis; mais, dans
la crainte que ce ne fût un piège, nous lui dîmes que
nous étions trop bien armés pour redouter aucune
agression; que, d’ailleurs, les habitants d’Estelna n é-
taient pas sans avoir entendu parler de la malédiction
des Francs, et que nous doutions fort qu’ils osassent
l’encourir. Nous congédiâmes notre homme avec un
nouveau présent, et résolûmes, sans en rien dire à
personne, même à nos:gens, de déloger dès le lendemain.
Pour ce faire, nous fîmes, nos préparatifs sans
abattre notre tente, envoyâmes comme à l’ordinaire
nos mules au pâturage; et le jour suivant, vers huit
heures du matin, tous les laboureurs étant allés à leur
ouvrage, nous p a r tîm e s^ abrupto, au grand étonnement
des gens restés dans le village.
Au delà des collines qui ceignent le lac, nous entrâmes
dans la vallée de Katti, qui va en montant jusqu’au
col de Cossaro : à cet endroit, les collines
qui, vers le lac, s’étendaient sur une largeur de cinq
milles, n’ont plus que 200 mètres déportée. A mesure
que nous avancions, le froid devenait très-intense, et
le sol très-humide. Les forêts de genévriers s’épaississaient;
l ’herbe prenait la dureté et la consistance de
celle des hauts plateaux. Probablement à cause de cette
constante humidité du s o l, les meules de foin étaient ici
placées sur les arbres. Vers le soir, nous nous arrêtâmes
dans un village voisin de la forteresse d’Abba
Chaoul, chef du district de Téouladéré, qui fait immédiatement
suite au lac Aïk. Ce village était musulman.
Nous déchargeâmes nos mules auprès d’une
maison, dont le maître était allé au marché de Seleu-
lah. Ses femmes ne voulurent pas prendre sur elles la
responsabilité de nous accorder l’entrée du logis; elles
furent cependant très-polies, et nous apportèrent tout
ce dont nous avions besoin. Le maître rentra bientôt, et
commença par se faire laver les pieds ; il vint aussitôt
après nous saluer et nous inviter à placer notre tente
dans sa cour; puis il appela un domestique et lui dit
d’apporter de la paille pour nos mules; en se retirant,
il donna aussi des ordres pour empêcher les curieux
de nous importuner. Tant de civilité et de complaisance
à l’égard d’un chrétien, sont trop rares chez un musulman
pour que nous ayons omis d’en parler.
E n ’quittant ce v illa g e ,-le lendemain matin, nous
vînmes au col de Cossaro, dont les abords sont couverts
de villages : le sol était marécageux, et ne produisait
plus d’autres céréales que l’orge. C’est de. ce
point que partent la plupart des ruisseaux qui sillom-
nent le district d’Ouarteille. Un peu avant d’arriver au
sommet, nous traversâmes un bois, où nous recueillîmes
plusieurs nouvelles espèces de plantes. Parvenus
au col, nous avions, au sud, le pays Ouello etla frontière
du Choa, formant le côté d’une vallée, dont ils domb
nent le centre d’environ 1000 mètres; puis la chaîne
d’Argoba, beaucoup moins élevée, qui constitue le
versant opposé de cette vallée, nommée Ouaré Kallo.
Au nord, nous avions le lac, et les sommets de la chaîne