jurons le commerce français de porter ses vues attentives
sur le commerce de la mer Rouge et surtout de
1 Abyssinie : l ’avenir est certainement là plus que partout
ailleurs. Les considérations précédentes, danslefir
partie restrictive, n ont eu pour but que de prémunir
nos négociants contre les écueils politiques qu’une tentative
dirigée dans ce sens pourrait mettre à nu dans
les circonstances présentes, mais n’impliquent rien
moins qu’une défaveur sur les avantages et le succès
d un pareil projet conduit avec énergie, et surtout avec
prudence.
Ces recommandations ne comportent pas davantage
le blâme implicite de la ligne politique suivie par le
gouvernement français : nous n’avons pas besoin de
nous en défendre. Suivant notre manière de penser,
elles serviraient plutôt à son éloge ; car la politique qui
obéit toujours à des injonctions fixes et déterminées est
une politique d’entraînement et non de force; elle
peut aller loin et vite, mais elle finit toujours par rencontrer
un trébuchet. La politique doit tout régler; les
pricipes dominant son action sont certainement les
plus généraux de ceux qui déterminent le jeu de l’organisme
social; il faut donc qu’à chaque organe elle
dispense sa part de développement et d’influence. Pour
renouveler une comparaison déjà faite dans notre introduction,
mais la seule qui puisse matérialiser cette
idée : le coeur imprime le mouvement et répartit le sang
à toute l’économie animale, et s’il arrive qu’un organe
se surexcite, sa vie particulière est sans doute exagérée;
mais la vie générale est en souffrance.
Enfin nous voulons prévenir un dernier reproche,
celui d’avoir mis dans nos paroles quelque chose qui
ressemble à de l’animosité contre un peuple notre
voisin, notre rival en puissance et en gloire, et aussi,
dit-on, notre allié. Mais les faits sont les faits; et, s il
est impossible de les déguiser, il est souvent difficile
de les exposer d’une façon qui soit agréable à tout le
monde. Ce n’est pas notre faute si le commerce anglais
est répandu dans le monde entier, et s i , sur quelque
point que ce soit, il considère sa prospérité comme intéressée
à la ruine de celle des autres, ce qui effectivement
peut être vrai ; mais quand on adopte aussi
ouvertement une manière d’a g ir , on ne saurait
trouver mauvais de l’entendre dire. Tel est cependant,
nous le croyons, le seul reproche qu’il puisse nous
adresser. Quant au but d’aigrir, entre les deux
peuples, de vieux ferments d’inimitié que le temps et
les idées nouvelles font chaque jour disparaître, si on
pouvait nous le reprocher, le fait aurait alors étrangement
trahi notre intention, non pas toutefois que nous
prenions à la lettre cette sympathie dont les optimistes
politiques célèbrent l’heureux avènement : il est un proverbe
abyssin qui dit : Tant qu’on sent la blessure on
n’est pas réconcilié avec l’ennemi. Or, celles que se
sont réciproquement faites les deux champions saignent
encore, et c’est le long temps qu il aura fallu
pour les cicatriser qui, plus que toute autre chose, empêchera
peut-être à tout jamais le retour de la lutte terrible
dont l’Europe tremble encore dans sa base. Yoilà
la chose : soit entente cordiale le mot.