le poitrail. Tous deux s ’affaissèrent, mais pas assez
promptement pour que le Galla n’eût le temps d’assener
un vigoureux coup de sabre, puis il sauta aussitôt
à terre. Le lion enfonça plus cruellement encore
ses griffes dans le corps du malheureux cheval;
mais, d’un second coup, le cavalier lui coupa un jarret
de derrière, ce qui l’abattit. Il roula en poussant un
effroyable cri de douleur ; un ja v e lo t, habilement
dirigé dans la poitrine, lui trancha définitivement la
vie. Le cheval gisait expirant à côté. Le Galla n’avait
reçu aucune blessure.
Le lion fut dépouillé sur-le-champ, et deux hommes
se chargèrent de porter sa peau sur une branche
d’arbre.
Le Galla commença immédiatement la danse du
triomphe. C’est un trépignement très-précipité, accompagné
d’un chant guttural et d’une mimique exprU
mant le sublime de la férocité.
Tous les gens de notre suite chantaient aussi en son
honneur, et marquaient la mesure par des gambades;
chacun à son tour se portait en avant, brandissant ses
armes et s’écriant : « C’est moi un tel, c’est moi qui ai
« vaincu tant d’Amarahs en combat singulier, c’est moi
« qui ai tué un lio n , un éléphant, etc. »
En approchant du village, un cavalier se détacha
pour porter la nouvelle de la victoire. Toutes les
jeunes filles sortirent alors pour venir à la rencontre
du vainqueur. Elles s’avancaient par bandes, cha.n-r
taient et frappaient des mains ; par intervalles, elles
s’interrompaient pour danser. De leur cô té , les cava-r
EN ABYSSINIE. > 77
liers étaient sortis, et se livraient à des jeux d’équi-
tation ; quelques-uns couraient sur le héros de la fête
à bride abattue, la lance en arrêt et sans bouclier;
mais en arrivant près de lu i, ils relevaient très-adroitement
la lance, et lui touchaient la paume de la
main en signe d’amitié. Quelques-uns voulurent m’ho-
norer de cette marque d’estime, chose qui ne fut précisément
pas de mon goût, quelque confiance que
j ’eusse en leur adresse. Arrivé vis-à-vis de la maison
du chef, le Galla trouva un nouveau cheval, et sautant
en se lle , il recommença son chant triomphal. Il faisait
exécuter à sa monture tous les mouvements de son
corps ; on l’eût p r is, en voyant cette unité de volonté,
pour un centaure.
Enfin, il fallut songer au repos ; chacun rentra chez
soi, mais pour se préparer à de nouvelles fêtes qui
devaient durer trois jou rs, et auxquelles on nous fit
l’honneur de nous inviter.
Le lendemain survint une foule de cavaliers dans la
maison de notre hôte ; ils burent jusqu’au soir, et c’est
alors que commença une grande fête, composée de tous
les exercices militaires des Gallas. Plusieurs improvisateurs
s’avancaient au milieu d’eux, et célébraient les
louanges des plus vaillants ; mais c’est à partir du moment
où le vainqueur du lion fit son entrée triomphale
porté sur un lit de branches d’arbres , que la fête prit
une grande animation. 11 descendit alors de son brancard,
sauta sur un cheval, et se mettant à la tête
d’une troupe de cavaliers composée de ses amis, il
fit plusieurs évolutions, après quoi on rentra pour