temps nécessaire pour que le roi fût prévenu de notre
arrivée ; puis on vint nous chercher et l’on nous conduisit
dans l’intérieur d’une cour où grand nombre de
gens étaient rassemblés. Parmi eux, deux hommes plaidaient
avec chaleur devant un juge perché sur une espèce
de pigeonnier : c’était le roi. Ainsi vu de loin, le visage
de Sa Majesté était peu attrayant; l’oeil qui lui manque
le défigure beaucoup, et sa longue chevelure, arrangée
en boules, le faisait ressembler à un de ces instrù-
ments vulgairement nommés têtes-de-loup. En passant
devant lui, nous lui fîmes un salut qu’il nous rendit.
Ses officiers, qui étaient rangés dans la cour sur deux
files, se dérangèrent tour à tour pour venir nous complimenter.
L’ambassade anglaise avait laissé des souvenirs
dangereux pour nous : en nous voyant, l’imagination
de chacun caressait déjà un cadeau. Ils ne songeaient
pas, les infortunés, que nous n’arrivions pas
précisément de l’Inde avec des chameaux chargés de
soieries et de roupies. On nous fit asseoir en attendant
la fin du jugement, et le majordome que le roi
avait désigné pour nous servir de maître de paroles, vint
prendre place à nos côtés, et commença à lier conversation.
Un instant après, passa M. Rochet, que nous
n’avions pas encore aperçu, bien qu’il demeurât dafts
l’enceinte royale. Son premier mouvement fut un air
de surprise, mais il s’approcha aussitôt pour échanger
avec nous quelques paroles au sujet de la lettre que
nous lui avions écrite. 11 nous dit avoir fait pour nous
plusieurs démarches auprès du roi, et que c’était à ses
efforts que nous devions d’être entrés dans le Choa. Il
nous quitta ensuite pour se rendre chez la reine, à laquelle
il donnait ses soins en qualité de médecin. Nous
attendîmes longtemps la fin des débats, car ils étaient
animés; mais l’heure du dîner y mit un terme, et ordre
fut donné de renvoyer tout le monde, excepté nous.
Alors le roi nous fit amener sur son balcon. Ce fut,
pour y monter, un grand effort gymnastique de la part
du docteur Petit. M. Rochet revint pour assister à
notre présentation, et nous appuya de sa recommandation,
en assurant que nous étions ses compatriotes.
Nous échangeâmes seulement quelques paroles avec le
roi, car il paraissait fatigué des débats. Il nous dit que
nous serions libres de rester dans ses États tant qu’il
nous plairait, qu’il nous avait donné Ato Sertol pour
introducteur, et que toutes les fois que nous aurions
besoin de quelque chose, c’était à lui qu’il fallait nous
adresser. Nous sortîmes avec M. Rochet, qui nous mena
chez lui pour causer quelques instants, puis nous allâmes
planter notre tente dans une maison que notre
guide nous avait procurée, e t , dès le soir même, par
ordre du ro i, il nous fut apporté un mouton, trente
pains de theff, deux pains de blé, quinze pains d’orge,
un pot d’hydromel, un pot de bière, une jarre d’eau et
une charge de bois..
Il plut à verse pendant toute la nuit; la pluie ne
cessa le lendemain qu’à neuf heures du matin. Je pus
alors faire quelques observations astronomiques; je
sortis ensuite pour commencer la carte du pays. La
pluie reprit à quatre heures et demie et continua toute
la nuit.