différence d’aVec ce qu’elle était à son arrivée; si le
pillage du Tigré ne l’avait pas précisément enrichie,
il avait au moins changé sa profonde misère en une
certaine prospérité, et sa discipline relâchée en utie
insubordination complète» Dans cette marche rétro-
gade, Aréa put s’apercevoir qu’il est plus facile de contenir
des soldats sans pain que des maraudeurs habitués
à l ’abondance; car tous ses efforts furent vains
pour empêcher le pillage»
Le premier jour on campa à Guendepta, le second,
dans la plaine de Maye Kerbara. C’est là que tous les
chefs tigréens vinrent prendre congé de Balgada Area,
et se prêter le serment de mutuelle assistance. On séjourna
à Maye Kerbara jusqu’au 11, puis on se remit
en marche au milieu de prairies et de champs cultivés
jusqu’à la chaîne d’Entitcho, au-delà de laquelle on
vint camper dans le district de Sériro.
Le 13, après avoir gravi quelques collines, l’armee
mit le pied sur les terres dépendantes du couvent de
DébraDamô. Les prêtres vinrent au-devant d’elle, avec
le tabernacle, et chantant des hymnes en sa faveur; à
quoi ils ajoutèrent une bénédiction que, certes, elle ne
méritait guère. Mais les saints personnages avaient un
but beaucoup plus temporel, celui de garantir leurs domaines
de toute déprédation : en effet, des gardes
préservatrices furent appostées à la plupart de leurs
champs, qui, sans cette politesse d à-propos, n eussent
probablement pas été plus épargnés que les autres.
Nous nous arrêtâmes le soir dans la plaine de Béezet.
Malgré la fertilité du sol, on y apercevait çà et là de
larges espaces que, de prime abord, on aurait dit ruinés
par le feu; mais, en les examinant de plus près,
on reconnaissait les dégâts causés par les sauterelles,
«ette seconde plaie de l’Abyssinie, après la guerre.
Des milliers de ces insectes, nouvellement éclos, jonchaient
la terre.
Ce district de Béezet est enceint, d’un côté par la
chaîne d’Amba Saneyti, de l’autre, par celle d’Aga-
mé : les deux se relient par les montagnes d’Alekoua.
Le lendemain, nous contournâmes ces dernières, pour
arriver sur le plateau après une montée de deux heures. A
nos pieds se déroulait un immense précipice, dans lequel
glissaient plusieurs filets d’eau, qui vont plus loin
s’agglomérer et se réunir à divers ruisseaux de 1 Hara-
mat, pour former la rivière Oueri. Nous descendîmes
le versant opposé, et remontâmes sur un autre plateau,
nommé Ennamatso. L’armée y campa au milieu de
champs d’orge et de lentilles, et la cavalerie y fit paître
ses chevaux, pour punir les habitants de ne pas vouloir
fournir des vivres.
Le district d’Ennamatso, tout entouré de précipices,
n’a jamais pu être entièrement soumis. Oubié, voyant
quelle peine il aurait à le réduire, s’était contenté d’un
tribut volontaire, e t , faute de pouvoir y commander
en maître, s’y était au moins ménagé les communications.
. D’Ennamatso nous descendîmes dans une vallée du
district d’Agoddi qui fut livrée au pillage : tout le
monde y courut, voire même les femmes. Deux ou
trois heures après, on voyait revenir au camp une