saisi dès mon entrée en Abyssinie à l’aspect des singularités
que révélait ce pays ; c’est la même qui me
poursuivait en le quittant : l’intervalle avait été trop
rempli de vie active, accidentée et douloureuse, pour
que je fusse autrement capable que d’entrevoir à de
rares distances toute l’étendue du problème.
Mais maintenant que le repos allait enfin succéder
à 1 agitation, je sentis peser de tout son poids
la charge que mon imagination avait acceptée sans
hésiter, dans un de ces jours où l’on rêve, croyant
penser.
Néanmoins le but étant certain et ferme dans mon
esprit, je ne transigeai qu’avec les obstacles de la
route ; car, ainsi que je l’ai dit, l’Abyssinie, qui n’est
qu’un terme (terme curieux il est vrai) dans la série
historique, ne peut apporter de lumières qu’au regard
des autres termes ; et deux objets ne sauraient être
bien comparés entre eux qu’à la condition d’être bien
connus.
Or je ne pouvais me dissimuler qu’une éducation
spéciale, en m’éloignant des études historiques approfondies
, rendait ma préparation insuffisante.
Je dus d on c , dans ma conscience , me borner à
l’oeuvre descriptive placée en tête de cet ouvrage :
si j ’ai tenté d’y introduire un autre élément, l’élément
que je me permettrai d’appeler philosophique,
le peu d’étendue que je lui ai donné révélera le
sentiment d’inaptitude actuelle qui a présidé à sa conception.
Mais quand le voyageur aperçoit une lumière qu’il
sait ne point être un feu trompeur, il est peut-être
dès l’abord incertain d’y parvenir; mais il marche
toujours.
C’est un aveu que je devais au lecteur avant de
prendre congé de lui.