et se découvrit les épaules pour nous saluer. Il nous engagea
à entrer nous reposer, et donna des ordres pour
qu’on prît soin de nos mules. Cette maison était d’assez
belle apparence; les claires-voies des murailles étaient
garnies d’un mortier d’argile qui empêchait le passage
de l’air ; l ’intérieur était divisé en plusieurs compartiments,
l ’un pour le logement des femmes, l’autre pour
la cuisine , un troisième pour le grain. L’ameublement
se composait de deux algas, de quelques cuirs tannés
qui servaient de tapis, et de trois chaises recouvertes
de lanières de cuir, à la façon des algas. Les ustensiles
et les approvisionnements de ménage occupaient
la plus large place dans ces appartements :
c’étaient des outres à grains, des vases, les uns destinés
à l’ea u , les autres à l’hydromel et à la bière ; les
premiers remarquables en ce q u e , au lieu d’être en
terre cuite, comme les vases éthiopiens, ils étaient en
cuir et d’une forme très-gracieuse, avec les bords garnis
de coquillages de l ’espèce appelée caurie par les Européens
qui trafiquent sur la côte d’Afrique. Je n’ai pu
m’expliquer de quelle manière les Gallas se procurent
ces coquillages ; car je n’en ai jamais vu sur les marchés
du Tigré, non plus qu’au Choa, et ce peuple ne
paraît pas devoir communiquer avec la mer, par les
Taltals ou les Danakils, puisqu’il est en guerre continuelle
avec eux. Il n’en est pas moins vrai que presque
toutes les femmes gallas portent de ces cauries cousues
au tablier de cuir qui leur sert souvent de robe.
Pour compléter cet ameublement, on ne voyait pas
là, comme dans le pays chrétien, de belles armes
appendues aux murailles, des boucliers ornés de plaques
d’or e t d’argent : tout y était d’une simplicité extrême.
Mais quelque simples,grossières même, que fussent ces
demeures, leur aspect était doué d’un charme saisissant
et irrésistible. Pour nous autres Européens, blasés
sur la vue des plus grandes somptuosités, celte naïveté
avait une grandeur touchante. Et puis, quel climat,
quelle pureté diaphane de l’air ! Ajoutez à cela la
magnificence d’un horizon sans bornes; à l’ouest, de
vastes chaînes de montagnes perdant leurs cimes
dans les nues, et leurs flancs toujours couverts d’une
végétation puissante; à l’est, la plaine fertile se déroulant
aux regards, et, par un contraste du plus grand
effet, allant se terminer en un rideau de montagnes
basses et d’une couleur sombre grisâtre.
Cette plaine est très-boisée, et abondante en gibier
de toute espèce; mais l’antilope et les variétés de gazelles
y dominent, ce qui attire beaucoup de bêtes
fauves ; aussi les habitants, obligés de défendre
leurs troupeaux contre la voracité de celles-ci, sont
habitués à les combattre, et déploient, dans ces sortes
de luttes, une adresse et un sang-froid admirables.
Abba Tôlé, sachant que nous voulions voir une chasse
au lio n , ne se fit pas longtemps prier pour nous procurer
un chasseur émérite ; il fit venir un de ses parents
qui en avait déjà tué tr o is, et portait au cou ,
comme marque distinctive de sa bravoure, autant de
chaînes en argent. Jour fut pris pour le lendemain.
En attendant, le chasseur resta avec n o u s , et aux
soins empressés que lui prodiguaient les jeunes filles