Vers le milieu de juillet, la plus grande partie des habitants d’Adôua
avait présenté ou présentait actuellement l’ensemble, ou tout au moins
plusieurs des symptômes que nous venons de passer en revue.
Epidémie de septembre -1839. — Deux mois après la même maladie se
reproduisit, maïs elle semblait s’être modifiée : les douleurs névralgiques,
si caractéristiques dans la première invasion, ne se montraient
cette fois que d’une manière en quelque sorte exceptionnelle, la céphalalgie
était d’ordinaire limitée à un seul côté de la tête ou de la face.
Dans ces épidémie^, il fallut quelquefois avoir recours à la saignée ;
mais les vomitifs avec l’ipécacuanha et les purgatifs salins firent assez
promptement justice des accidents. Il parait cependant que dans certaines
années la maladie est plus grave et peut même devenir mortelle.
Ophthalmies. — Je viens de décrire l’affection qui se montre à l’époque
des pluies : pendant la période de sécheresse et de grandes chaleurs ce
sont les ophthalmies, bien différentes, quant à la gravité, de celles que
j’avais observées en Egypte. Ici la maladie se borne habituellement,
comme chez nous, à une conjonctivite plus ou moins intense, mais on
ne voit pas ces inflammations violentes avec fente de l’oeil ou suppuration
de la cornée : cependant la kératite complique assez souvent la
phlegmasie conjonctivale ; c’est ce que prouve le nombre assez considérable
de malades que j’ai vus affectés de taies à la cornée transparente.
Ces taches se montrent à différents degrés d’épaisseur, depuis le simple
nuage jusqu’au leucoma le plus prononcé. Dans beaucoup de cas, alors
même que l’inflammation avait débuté d’une manière brusque et avec
violence, des lotions astringentes, les insufflations avec le calomel
amenaient la guérison dans l’espace de quelques jours.
Dans les conjonctivites, le boursouflement de la muqueuse est surtout
marqué entre le grand angle de l’oeil et le bord de la cornée transparente,
où il s’arrête brusquement; la cornée se trouve ainsi au fond de
ce bourrelet qui semble taillé à pic. D’autres fois, l’inflammation et
l’injection vasculaire s’étendent sur la cornée. Ce lacis vasculaire a plus
ou moins d’épaisseur; dans certains cas de taies molles et de staphy-
lômes avec inflammation, il est très-apparent.
Les causes de ces ophthalmies paraissent être pour la plupart du
temps des refroidissements, l’exposition à un courant dair ou à une
pluie abondante. Parmi les causes mécaniques qui peuvent produire les
conjonctivites chroniques, j ’en citerai une qui m’a paru très-fréquente
puisque en quelques jours j’en ai pu réunir plusieurs exemples ; je veux
parler de l’implantation de poils à la face interne de l’une des paupières ;
ces poils sont quelquefois en nombre assez considérable ; chez une femme,
par exemple, j’en ai extirpé une douzaine, groupés en un seul paquet
vers le petit angle de l’oeil. L’implantation vicieuse a lieu, soit à la face
interne de la conjonctive palpébrale (surtout la supérieure), soit au rebord
de la paupière. Dans le premier cas, ces cils anormaux piquent la conjonctive
oculaire et l’enflamment d’une manière permanente; dans le
second, ils irritent plus particulièrement le rebord correspondant de la
paupière inférieure et y déterminent assez souvent de petits abcès dont
la cause peut être longtemps méconnue, puisqu’il faut aller la chercher
sur la paupière opposée. Souvent aussi les malades, en voulant arracher
les poils sans instruments convenables (ils se servent de la pointe
d’une aiguille ou de mauvais ciseaux), les brisent sans les extirper, et
la maladie se trouve ainsi éternisée.
Outre les ophthalmies proprement dites et leurs conséquences, les
autres maladies des yeux ne sont pas rares ; ainsi j’ai vu plusieurs individus
affectés de cataractes, d’amauroses, etc.
Variole, inoculation, vaccine. — La,variole, dont certaines personnes
placent le berceau en Abyssinie, y règne assez souvent d’une
manière épidémique, absolument comme chez nous et avec la même
gravité. Nous parlerons plus loin (médecine des indigènes) de la manière
dont les indigènes traitent cette maladie et de leur procédé d’inoculation.
J’avais emporté du vaccin de France et du Caire, et je pratiquai un
grand nombre d’inoculations ; mais le vaccin s’était probablement altéré :
le fait est qu’elles échouèrent toutes, malgré la bonne volonté des habitants
et la confiance aveugle avec laquelle ils se prêtèrent à mes tentatives.
Cependant il paraît qu’elle réussit dans deux ou trois cas ; mais
des circonstances indépendantes de ma volonté m’empêchèrent de m assurer
par moi-même de cette réussite et d’en profiter pour prendre du
vaccin frais sur ceux qui avaient offert des boutons de bonne nature.
Cette circonstance doit être présente à l’esprit des médecins voyageurs
qui pourront aller en Abyssinie; je leur conseille de ne se fournir de
vaccin qu’à Djeddah, où la complaisance de M. Chédufau, notre savant
et digne compatriote, ne les laissera manquer de rien.
La syphilis est excessivement commune en Abyssinie, et se présente
sous toutes les formes que nous lui connaissons- : primitive, à 1 état de
blennorrhagie, de chancres et de bubons; constitutionnelle, à létal