remettre en route ; mais leurs compagnons les en empêchèrent
en leur fesantpeur de la foudre, qui s’annoncait
en effet par de fréquents éclairs. A cinq heures seulement,
il nous fut possible de nous diriger vers le campement;
mais alors il nous fallut marcher dans une boue
profonde, où les mules avaient grande répugnance à
avancer. Cependant, après une demi-heure de peines,
nous aperçûmes la tente du roi établie sur la rive droite
du Bollo Ouanze. Malheureusement la mienne était
restée en arrière, et mes tribulations étaient loin d’être
finies. La pluie recommença de plus belle, et je m’accroupis
une seconde fois, n’ayant, pour toute consolation,
qu’à me figurer que j’étais de croisière dans une embarcation,
au milieu du canal de la Manche, et que je
subissais une des vicissitudes ordinaires de la vie de
marin. J attendis patiemment, car, relativement, je
n ’avais pas encore trop à me plaindre ; ma tente arrivée,
j ’avais la perspective d’être garanti de la pluie pendant
la nuit, et de faire sécher un peu la place où je coucherais
avec de la bouse de vache dont m’avait gratifié le
roi. J étais d ailleurs sûr de souper, confortable loin
d être garanti aux pauvres soldats, qui passeraient la
nuit dans la boue, avec un morceau de toile mouillée
sur le dos, et quelques grains de blé rôtis pour toute
nourriture, après le jeûne de la journée.
Le lendemain, en quittant Bollo Ouanze, nous traversons
la rivière Hakaky, qui vient de la chaîne de
Karaberak, et se dirige vers l’Aouache. Nous prenons
ensuite les hauteurs de Gara, d’où nous voyons se déployer
la plaine de Finefinie, bornée au nord par une
chaîne qui court est et ouest, au sud par les collines de
Roguié, à l ’est par la montagne Endotto. Depuis Bollo
Ouanze jusqu’à Gara le pays appartient à la tribu des
Galanes ; le territoire de Finefinie commence à l’ouest de
Gara.
A midi, le roi me fait appeler pour causer avec lui,
et quelques instants après, il descend de mule pour
monter à cheval, et m’engage à en faire autant ; les principaux
chefs imitent ce mouvement, et nous partons tous
au galop. Je ne savais guère où nous allions si grand train,
lorsque, après une quart d’heure de course, nous arrivâmes
aüx sources thermales de Finefinie. Tout le monde
mit aussitôt pied à terre, et le roi alla s accroupir au-
dessus de l’un des jets pour en recevoir les vapeurs.
Une partie des grands de la suite, malades ou non, buvaient
de cette eau qui les purgeait immédiatement,
quelques-uns d’une manière très-violente; d’autres y
lavaient leurs plaies. Cette eau jaillit avec ébullition
d’un sol argileux imprégné de sulfate de soude ; ce sol
est mouvant en certains endroits, et il serait dangereux
d’y marcher. Près de là, des terrains ensemencés paraissent
être d’une grande fertilité, et forment un bassin
entouré de collines couvertes de genévriers et d’oliviers:
on trouve, dans les endroits les plus bas, le ricin
et quelques mimoses. Malgré toutes ces richesses naturelles,
la population de cette localité est misérable;
tout récemment soumise, elle ne jouit pas de la protection
paternelle accordée aux provinces gallas qui ont
embrassé le christianisme, et ont spontanément reconnu
l’autorité de Sahelé Sallassé.